Inès Lombardo (Francopresse)
Le 11 septembre 2001, des milliers de passagers ont vu leurs avions être détournés de New York vers des provinces de l’Atlantique après la fermeture de l’espace aérien des États-Unis, frappés par plusieurs attentats à New York et Washington.
Trois éléments se sont bousculés dans la vie de Margo Connors et de Sylvie Mousseau ce jour-là: la confusion et la peur ambiantes, l’organisation d’arrachepied pour accueillir les passagers et la solidarité.
St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador, le matin du 11 septembre
Margo Connors a appris la nouvelle des attaques du 11 Septembre le matin, alors qu’elle donnait un cours d’anglais à l’école secondaire Holy Heart of Mary de St. John’s.
«Le temps s’est suspendu. J’ai le souvenir qu’avec un collègue, nous regardions atterrir les avions détournés les uns après les autres, toute la journée. Nous étions tous sous le choc», explique-t-elle aujourd’hui.
Très vite, l’école s’est organisée : professeurs, étudiants et volontaires extérieurs ont afflué et se sont relayés pour transformer progressivement Holy Heart of Mary en hôtel improvisé.
«Les hôtels de la ville étaient complets, car la saison touristique n’était pas terminée. Je me demandais comment autant de monde allait pouvoir dormir ici, car St. John’s n’est pas une grande ville. Nous avons accueilli plus de 600 personnes dans l’école. Pour cela, nous avons déplacé tous les pupitres pour mettre des lits» retrace Margo Connors.
Elle fait une pause pour fouiller dans ses souvenirs et reprend : «Des camions se succédaient pour amener nourriture, boissons et couvertures. Ça n’arrêtait pas. On savait déjà que c’était historique et profond, mais sur le coup, nous n’avions pas le temps d’y penser.»
Elle stoppe son récit de nouveau et s’excuse qu’il soit décousu : «Quand tu vis cette situation, tu penses que vas te souvenir de chaque détail toute ta vie, mais non. Je réalise que beaucoup de choses m’échappent.»
L’émotion monte d’un cran. «Une image m’a marquée. C’est le moment où les passagers ont appris la raison du détournement de leurs avions. On pouvait littéralement voir l’horreur sur leurs visages», se souvient-elle, très sombre.
Mais Margo Connors refuse de voir uniquement la noirceur du 11 Septembre, car les gens de St. John’s se sont empressés d’offrir le gite et le couvert à des étrangers qui en avaient besoin.
«Il y avait cette unité incroyable qui régnait partout dans St. John’s. J’ai vu que le meilleur peut ressortir chez les gens dans des moments terribles», philosophe-t-elle.
«Autour de moi, je ne voyais que des gens originaires de partout dans le monde qui tentaient de s’entraider comme ils pouvaient, malgré leur terreur. Des communautés différentes de la ville passaient pour voir s’il y avait des besoins spécifiques. Je me rappelle que certains ramenaient de la nourriture cachère pour les passagers juifs. C’est un exemple parmi tant d’autres! C’est un honneur pour moi d’avoir pu contribuer, à mon niveau», conclut Margo Connors.
La Terre-Neuvienne conseille de voir la pièce Come From Away, qui «capture très bien» le même accueil chaleureux qui s’est déroulé dans la ville terre-neuvienne de Gander, à quelque 350 km de St. John’s. Environ 7000 passagers y sont atterris.
Moncton, Nouveau-Brunswick, le soir du 11 septembre
À plus d’un millier de kilomètres de là, une scène d’accueil similaire s’est déroulée vers 23 h dans le salon de Sylvie Mousseau. Quatre passagers épuisés d’un avion détourné venaient d’arriver. Ce soir-là, plus de 2000 passagers ont débarqué à Moncton.
Pour Sylvie Mousseau, la question de les accueillir ne s’est même pas posée : «Nous avions de la place pour dormir, c’était normal! Mon mari est allé les chercher au Colisée de Moncton, où ils avaient atterri depuis plusieurs heures déjà.»
À leur arrivée, Sylvie Mousseau leur dit de faire comme chez eux et les a fait s’assoir autour de la table.
«Il y avait deux Britanniques, un Français et un Canadien. Personne ne se connaissait. Nous leur avons expliqué ce qu’il se passait, car si je me souviens bien, ils n’étaient pas au courant dans les détails de leur détournement», relate-t-elle.
«J’essayais de me mettre à leur place, car si j’avais débarqué pour dormir chez des inconnus dans une ville que je ne connais pas après une telle nouvelle, j’aurais été plus que perdue. Nous leur avons montré les images qui défilaient depuis le matin à la télévision. Ils étaient inquiets et exténués. C’était complètement irréel pour nous tous», ajoute Sylvie Mousseau.
L’une des quatre personnes, une étudiante, «était très nerveuse. Elle a passé beaucoup de temps avec sa famille au téléphone, car elle devait les rejoindre à Londres, je crois. Mais ça n’a pas pu se faire, car elle avait peu de temps».
Comme Margo Connors, Sylvie Mousseau s’interrompt et s’étonne: «Sur le moment, on s’imagine qu’on va se souvenir de tout, tellement ça marque. Ça fait 20 ans, et je me rends compte que ce n’est pas le cas. Je me souviens surtout de ce sentiment de choc général, cette ambiance irréelle», répète-t-elle, comme si elle la revivait un peu en racontant.
Elle se souvient avoir été particulièrement troublée par le fait que les évènements en cours aux États-Unis lui donnaient le sentiment terrible que les attentats se rapprochaient de chez elle.
Les quatre passagers sont repartis dès le lendemain. «Nous avions échangé nos coordonnées, mais nous ne nous sommes pas revus. En revanche, je me souviens que le passager français a fait le déjeuner. On a juste mangé là, tous ensemble, puis ils sont repartis.»
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