Agence Science-Presse (www.sciencepresse.qc.ca)
C’est le genre de détermination qui aurait été impossible dans les années 1960, lorsque ce site archéologique a été mis à jour et qu’on l’a daté grossièrement aux alentours de l’an 1000 — à la même époque, des colons vikings venus d’Islande s’étaient établis au Groenland. Depuis, les connaissances sur les éruptions solaires et les traces — sous la forme de carbone-14 — qu’elles laissent dans les sédiments ou les troncs d’arbres se sont raffinées: on sait aujourd’hui que deux grandes éruptions solaires ont eu lieu dans la période dite du haut Moyen âge, soit en l’an 774 et en l’an 993.
Des experts du site terre-neuvien ont alors eu l’idée de réexaminer certains de leurs artefacts: parmi eux, des restes de troncs d’arbres possiblement utilisés pour construire une maison, et qui ont été coupés par une hache en métal — et l’on sait aussi que les Amérindiens de l’époque n’utilisaient pas de métal. L’espoir était qu’un de ces troncs ait gardé la trace de l’éruption de 993 et que, en comptant ensuite un cercle de son tronc par année, on puisse déterminer le moment où cet arbre avait été coupé.
La réponse: trois de ces fragments, provenant de trois arbres différents, ont été coupés en l’an 1021. Les experts avancent même que l’un d’eux a été coupé au printemps et au moins un autre, à l’automne. L’étude est parue le 20 octobre dans la revue Nature.
Il est impossible d’en déduire si ces Vikings sont arrivés cette année-là, où s’ils habitaient déjà les lieux depuis un certain temps. Mais c’est la première fois qu’on peut mettre avec certitude une date sur leur passage.
En dehors de L’Anse-aux-Meadows en effet, la connaissance que l’on a d’une venue des Vikings en Amérique du Nord, près de 500 ans avant Christophe Colomb, repose uniquement sur des récits semi-légendaires — les fameuses «sagas», qui parlent de terres supposément situées au-delà du Groenland. Un récipient de pierre et quelques objets, sur l’île de Baffin, leur ont été attribués il y a quelques années, mais il pourrait s’agir du fruit d’échanges commerciaux passés entre plusieurs mains. Une «carte du Vinland» qui a fait couler beaucoup d’encre depuis sa «découverte» dans les années 1960 — montrant supposément une île à l’ouest du Groenland — vient d’être décrétée fausse. Tout au plus des traces de noyer, un arbre qui ne pousse pas dans la région, suggèrent-elles que ce site aurait pu être un point de départ vers des missions d’exploration plus au sud.
Deux chercheurs de MUN impliqués dans la découverte
Parmi l’équipe scientifique à l’origine de cette découverte — équipe menée par Michael Dee et Margot Kuitems de l’Université néerlandaise de Groningue — se trouvent deux professeurs archéologues de l’Université Memorial (MUN). Une partie des projets de recherches de la Québécoise Véronique Forbes et Paul Ledger, originaire de l’Angleterre, concerne en effet L’Anse aux Meadows. Véronique Forbes parle de cette récente découverte dans l’émission Les années lumière du 24 octobre dernier sur Radio-Canada .
Ces scientifiques de MUN analysent notamment les écofacts, c’est-à-dire des restes de l’environnement naturel et non humain, qui se retrouvent sur des sites archéologiques ou dans des archives dites naturelles, tels les tourbières, les sédiments lacustres ou encore les glaciers. On peut d’ailleurs découvrir leur travail sur ce site archéologique sur YouTube à travers la vidéo Yes b’y: an archaeological adventure at L’Anse aux Meadows (en anglais) Vous pouvez lire leur portrait dans l’ancienne édition du Gaboteur du 23 mars 2020. (Coline Tisserand)
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