Magazine d’été 2022
Océan
Des fleurs et des coraux dans l’eau glacée
Un texte de Coline Tisserand
Arnault Le Bris est l’un de ces chercheurs qui adorent explorer la vie sous la surface de l’océan. Originaire de Bretagne, ce chercheur à l’Institut maritime de l’Université Mémorial s’intéresse aux impacts des changements climatiques sur les pêcheries. Plusieurs de ses étudiants doivent également plonger en eaux froides dans le cadre de leurs recherches.
C’est le cas de la doctorante Tanya Prystay, dont les travaux portent sur les herbiers de zostère.
Plante à fleurs
À première vue, cette plante vivace, composée de longues feuilles vert brillant semblables à des rubans pouvant atteindre un mètre de longueur, peut facilement être confondue avec des algues. Mais contrairement à celles-ci, la zostère fait partie de la soixantaine d’espèces de plantes à fleurs sous-marines de la planète. Elle est la seule à vivre dans les eaux du Canada atlantique.
« L’étendue totale de la couverture de zostères autour de l’île de Terre-Neuve et des côtes du Labrador est en fait inconnue et il est nécessaire de cartographier les endroits où l’on retrouve cette plante pour mieux comprendre son état », explique la jeune femme. Les recherches de l’équipe dirigée par Arnault Le Bris se concentrent actuellement sur la baie de Plaisance. «Il est prouvé que la zostère y est en déclin, ce qui a été attribué à l’introduction du crabe vert européen, qui est une espèce envahissante », indique son étudiante.
Mais pourquoi s’intéresser à cette herbe marine, comparée par Pêches et Océans Canada à de la simple pelouse de jardin ? « À Terre-Neuve, cette plante à fleurs sous-marine est considérée comme une espèce d’importance écologique majeure puisqu’elle sert de nurserie pour les juvéniles de morue franche», précise Tanya Prystay. En plus de servir d’habitat et d’abri à diverses espèces marines et de protéger les rochers de l’érosion, la zostère est capable de stocker une grande quantité de carbone de l’atmosphère. «On pense que par mètre carré, la zostère séquestrerait de trois à cinq fois plus de carbone qu’une forêt tempérée », illustre son superviseur.
Lors de ses plongées, le but de Tanya Prystay est d’estimer la densité des zostères et la concurrence avec d’autres espèces ainsi que de prélever des échantillons pour mieux connaître leurs caractéristiques morphologiques en laboratoire. L’équipe de monsieur Lebris fait également un travail de restauration de ces herbiers. « On recueille des graines à disperser et des pousses et on transplante les pousses, comme vous le feriez pour une fleur dans votre jardin », résume-t-elle.
Coraux
Pour sa part, la chercheuse à Pêches et Océans Canada Bárbara Neves explore les abysses de la mer du Labrador et de la baie de Baffin pour étudier les coraux mous en eaux froides, appelés aussi coraux des grands fonds. Si le mot corail évoque plutôt les récifs dans les eaux chaudes tropicales et peu profondes, on en trouve bel et bien dans les eaux froides de l’ Atlantique et dans la partie est de l’Arctique. Selon Pêches et Océans Canada, une trentaine d’espèces de coraux vivent au large de la côte atlantique du Canada, la plupart à des profondeurs de 150 mètres. Des zones des Grands Bancs de Terre-Neuve abritent la plus forte abondance et diversité de coraux d’eaux froides au Canada atlantique.
À l’été 2021, lors du programme scientifique du brise-glace de recherche canadien NGCC Amundsen, l’équipe dont fait partie madame Neves a fait une importante découverte au large du Labrador. Grâce à leurs équipements sous-marins et aux indications des pêcheurs de la région, les scientifiques ont repéré, sur une immense falaise sous-marine, des Primnoa resedaeformis, ou gorgones, qui comptent parmi les plus gros coraux au monde.
Suite à cette expédition, les chercheurs ont souligné dans leur rapport de mission que ce site, identifié maintenant comme « Jardins suspendus de Makkovik », doit être considéré comme étant de « haute importance en matière de conservation pour les invertébrés et les poissons ».
Appelés également éventails de mer en raison de leur forme, ces coraux aux couleurs vives servent en effet de zone d’habitat, de refuge, de reproduction, mais aussi de nourriture pour ces espèces.
À lire aussi:
- Le Magazine d’été 2022 et L’index du Magazine
- N-Neige: «Snowmageddon» 2020
- P-Porto: Un monde à découvrir au bout de la route
Les commentaires sont modérés par l’équipe du Gaboteur et approuvés seulement s’ils respectent les règles en vigueur. Veuillez nous allouer du temps pour vérifier la validité de votre premier commentaire.