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À l’approche des élections fédérales, des enjeux à surveiller

L’équipe du Gaboteur vous propose une liste de plusieurs enjeux clés qui risquent d’alimenter le débat public de Terre-Neuve-et-Labrador. La liste n’est pas exhaustive, et ces enjeux ne reflètent pas nécessairement les priorités de tous les lecteurs, mais ces pistes de réflexion à suivre nous ont paru importantes, car elles sont toutes en lien avec l’incontournable question de la relance économique.

Nikola LeBel

Suite à la dissolution du Parlement par Justin Trudeau, les élections fédérales ont été déclenchées un bon deux ans avant la date prévue par la Loi électorale du Canada. Le jour du scrutin sera le lundi 20 septembre, ce qui laisse peu de temps aux formations politiques du Canada pour faire campagne. Les grands et les petits partis s’empressent de voyager à travers les provinces et les territoires pour présenter leurs idées et convaincre les électeurs. Les enjeux sont de taille, les engagements se multiplient et il peut être difficile d’y voir clair en si peu de temps.

Une transition énergétique qui rapporte

Mettre tous ses œufs dans le même panier, c’est dangereux. Quand le prix du pétrole chute, c’est le chaos, et la tendance n’est certainement pas favorable à l’exploitation des ressources non-renouvelables. Mi-août, un sondage de l’institut Angus Reid indiquait d’ailleurs que la question du changement climatique est l’enjeu numéro 1 des électeurs de Colombie-Britannique. L’heure est à la transition et il y a moyen d’en tirer avantage; c’est l’avis des experts et des militants. Nous en avons parlé avec Patricia John-son-Castle, directrice de la politique et de la planification du gouvernement du Nunatsiavut et représentante de la Social Justice Co-operative NL.

«Nous avons beaucoup de ressources renouvelables sous-exploitées ici. Tous les gens qui habitent à Terre-Neuve-et-Labrador savent qu’on a énormément de vent. Le potentiel éolien est là», nous a-t-elle expliqué. «Aussi, dans le nord du Labrador, dès le mois de mars, nous avons presque douze heures de soleil par jour, alors il y a beaucoup d’opportunités dans notre province pour rendre notre économie plus verte!» Soucieuse des travailleur.euse.s de l’industrie pétrolière, elle a évoqué les programmes de rééducation pour les pêcheur.euse.s de l’époque du moratoire, des programmes de réinsertion professionnelle et de transition vers d’autres domaines. «On pourrait avoir des programmes semblables pour les personnes qui travaillent sur les plateformes pétrolières. Aussi, dans le futur, ces installations pourraient être converties comme cela se fait déjà en Écosse.» Plusieurs pistes possibles donc pour une transition verte dans la province, mais le financement ne viendra pas volontier de l’industrie; il faudra aller le chercher. À quel parti fédéral le courage?

Les programmes sociaux dontles familles ont besoin

Comme il est souvent le cas avec l’assurance-emploi et comme il a été le cas avec la PCU/PCRE, le programme de prestation et subvention aux pêcheurs pose de sérieux problèmes aux gens qui en ont besoin, rapporte le syndicat Fish, Food and Allied Workers dans un communiqué de presse le 10 août. Des demandes non traitées, de longs temps d’attente, des montants surprise à rembourser, de nombreux codes d’erreur… C’est une situation qui empire la précarité. Dans une province où le taux de chômage s’élève au-delà des 10%, où le revenu médian est bas et où une crise du logement sévit, les gens ont certes besoin d’emplois de qualité, mais ils ont aussi besoin d’un filet social solide.

En absence de ce filet, les personnes à faible revenu, ainsi que les membres des communautés autochtones se retrouvent démesurément à risque. Selon le rapport Everyone Counts 2018, alors que seulement 3,3% de la population s’identifie comme autochtone à St. John’s, ils représentent un quart de la population des sans-abri.

Ce sont ces mêmes personnes qui n’arrivent pas à se payer un service de garde ou qui dépendent en nombre grandissant de banques alimentaires pour se nourrir vu le prix des aliments. Quel parti aura un plan pour lutter contre la pauvreté, rendre abordable l’éducation à la petite enfance et renforcer à la fois la sécurité alimentaire et l’autosuffisance de Terre-Neuve et du Labrador?

Un système de santé résilient

Hôpitaux, cliniques, foyers centres de soin; tous sont débordés. La pandémie a fragilisé les éléments déjà fébriles du système de santé. De plus, selon la présidente de la Newfoundland and Labrador Medical Association, le recrutement de médecins à TNL sera bientôt encore plus difficile, en raison des efforts intensifiés de provinces comme la Nouvelle-Écosse. L’exode des cerveaux est un problème sérieux et les professionnels de la santé font partie de cette exode. Qu’est-ce que les grands partis vont proposer pour mieux soutenir les aînés ou pour aider la province avec la formation, le recrutement et la rétention du personnel médical?

La solution au développement hydroélectrique du Bas-Churchill

On ne pourra pas s’en échapper. La saga de Muskrat Falls est loin d’être terminée et les coûts qui lui sont associés vont probablement continuer de dépasser les attentes. Malheureusement, un plan d’atténuation des tarifs paraît absolument nécessaire pour éviter le pire aux familles de Terre-Neuve et du Labrador.

Avant le déclenchement des élections, Justin Trudeau et son équipe ont annoncé un plan de sauvetage de 5,2 milliards de dollars, plan qui dépendra de sa réélection. Suite à son passage à Corner Brook fin août, le conservateur Erin O’Toole a clarifié dans un communiqué à Radio-Canada qu’il s’engageait à honorer cette entente s’il était élu le 20 septembre. Lors de sa visite à St. John’s le 12 août, Jagmeet Singh a annoncé son soutien à un plan d’atténuation des tarifs, ajoutant qu’il s’opposait à ce que la nation innue soit exclue des négociations.

Ils peuvent bien s’opposer à leur exclusion, mais les partis prendront-ils des mesures concrètes sur les revendications des Innus, qui dénoncent cette entente prise sans négociation avec la communauté autochtone et ont poursuivi le gouvernement fédéral? Prendraient-ils le temps de rouvrir l’accord pour donner aux Innus de Sheshatshiu la place qu’ils et elles méritaient dès le départ?

Un front commun pour la francophonie

Les mesures qui concernent les francophones en général, et en particulier tout ce qui touche à la modernisation de la Loi sur les langues officielles, seront également un enjeu à suivre de près pour la minorité francophone de la province.

Gaël Corbineau, directeur général de la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador, révélait au Gaboteur que la FFTNL et le mouvement communautaire francophone au Canada se sont mis d’accord pour mettre deux revendications de l’avant pour ces élections, soit qu’ils souhaitent un plan de relance pour la francophonie et la continuité de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le tout est présenté de façon claire dans un document étoffé de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), qui met notamment en relief «la perte de vitalité du français et des communautés qui le parlent, la perte des bénévoles qui soutiennent le réseau associatif de la francophonie et la fragilisation de centres multi-services.» La FCFA y aborde aussi la stagnation de l’immigration francophone en milieu minoritaire et les problèmes d’accès à l’éducation en français à tous les niveaux.

Au Labrador, Sara Teinturier, directrice générale de l’Association francophone du Labrador (AFL) avance elle aussi la prise en compte du français par les institutions comme un enjeu majeur de la campagne électorale, en faisant elle aussi référence à la modernisation de la Loi sur les langues officielles. La directrice mentionne également le manque de place en garderies francophones, comme un enjeu préoccupant pour la communauté francophone du Labrador. Selon elles, des enfants qui pourraient profiter de cette première expérience en milieu francophone en sont privés à cause du manque de place.

Interrogée au sujet des élections, Catherine Fenwick, directrice générale de l’Association régionale de la côte ouest (ARCO), a dit souhaiter que le ou la prochain.e député.e soit à l’écoute des gens. «On espère que l’élu.e aura la francophonie à cœur et sera prêt.e à soutenir les efforts de l’ARCO et de ses membres.» Elle précise que plus d’action en ce qui concerne le financement des activités communautaires serait grandement appréciée. Prenant le cas de l’ARCO en exemple, elle explique que l’association reçoit «de moins en moins de financement pour les emplois d’été de la part de Service Canada», ce qui ne lui permet d’engager que deux employés, contre quatre par le passé. «Sans financement, il devient difficile de continuer à offrir nos services à notre communauté et aux touristes», souligne la directrice.

Quelles seront les réponses des différents candidats face à ces revendications? À suivre.

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