Chasse aux possibles de Baie-Comeau à L’Anse aux Meadows
Texte: Véronique Forbes – Illustrations: Catherine Arsenault
Je ne me suis jamais vraiment rebellée à l’adolescence. C’est maintenant que je me révolte, mais bien tranquillement, en prenant le temps d’apprécier les petites choses de la vie. La couleur rose orangée du ciel un soir de printemps. Cueillir des baies sur une falaise en bord de mer, les joues rougies par le vent. Danser pour personne d’autre que moi.
Et pourquoi pas, si c’est ce que ça prend pour que ça en vaille la peine?
Je dévoue pas mal de temps à aligner mes choix de vie avec mes rêves, à réfléchir à ce que je dois faire pour en faire des réalités. De plus en plus, j’ai l’impression que ça prend simplement l’humilité et la curiosité d’écouter et d’apprendre des histoires racontées par les étrangers; d’apprendre à voir les paysages qu’ils ont vus.
On pense qu’on connaît déjà l’histoire, que c’est la nôtre, qu’on sait où on s’en va. Ou on est trop fatigués ou différemment inclinés pour s’en soucier.
Quoi qu’il en soit, j’ai décidé de prendre ma vie et ma chance en main. De prendre le temps d’écrire, pour décompresser, dénouer mes idées et faire un peu de sens du chaos de 2022, que j’essaie malgré tout d’organiser…
Parce que ça m’aide à me rappeler ce que j’ai appris des expériences vécues récemment.
Peut-être aussi parce que j’ai un peu peur d’oublier?
Une chance que mes souvenirs de notre aventure Québec-Labrador-Terre-Neuve sont encore bien frais dans ma mémoire, et que j’ai mon journal et les photos de Paul!
Je vous ramène en route à travers des forêts d’épinettes partiellement brûlées et des rivières torrentielles, vers la ville de Gagnon, fondée en 1960 afin de loger la main-d’œuvre pour l’extraction du minerai de fer.
Paul et moi connaissons un peu son histoire grâce à notre amie et collègue Catherine, qui y a vécu une partie de son enfance. Sa famille était l’une des centaines à avoir été forcées d’abandonner Gagnon suite à la fermeture de la mine en 1984.
Je savais que la ville avait été désertée, mais je m’attendais à une ville fantôme encore debout (revenante plutôt qu’enterrée). Je n’avais pas réalisé qu’elle avait été complètement démolie!
Paul et moi nous sommes donc arrêtés pour chercher en vain l’adresse de la maison où Catherine avait vécu, pour la prendre en photo.
J’aurais dû allumer que c’était une adresse à Fermont – là où sa famille a déménagé – et non pas de Gagnon, que Catherine m’avait donnée!
Je devais être trop fascinée par les ruines pour penser clairement…
Est-ce qu’on peut vraiment appeler ça des ruines, s’il ne reste que des bouts de trottoirs et d’asphaltes traçant les contours d’anciennes rues aujourd’hui à peine visibles?
On y a vu des empreintes de parkings et de fondations de maisons autrement disparues, ainsi que d’occasionnels squelettes de métal tordus et couverts de morceaux de toiles battus par le vent – les traces d’une occupation plus récente, formées des restes d’abris tempos probablement utilisés pour abriter des motoneiges lors d’hivers précédents.
Nous avons ensuite repris la route vers Fermont, une ville fascinante pour les géographes et autres fans de paysages industriels. Elle doit sa renommée à sa nordicité ainsi qu’au ‘Mur’, une structure construite pour protéger la communauté des vents mordants balayant ce coin du Québec.
Après avoir croisé plusieurs fois le chemin de fer et suivi des cours d’eau rougis par l’ocre, j’ai été frappée par la vue des montagnes semi-artificielles à sommets plats qui se dessinaient à l’horizon.
J’ai pensé à ce qui avait été perdu à jamais…
Des collines sans doutes admirées et connues de générations avaient disparu soudainement, pour faire place à l’une des plus grandes mines à ciel-ouvert du pays.
Peut-être que c’était seulement l’architecture de la route moderne qui me permettait de si bien voir les contours tronqués des montagnes?
Mais pourquoi ça me préoccupait tant?
Est-ce que c’était la possibilité que ces collines rocheuses aient été spéciales pour quelqu’un, ou encore le sort des plantes et des animaux qui devaient y avoir autrefois habité?
Pourtant, c’est naturel et normal ce genre de transformation, non?
Les choses changent au fil du temps. Des paysages bien ancrés à travers les âges finissent toujours par disparaître pour faire place à de nouveaux horizons, à de nouvelles vies.
Comme Gagnon, où s’est déroulée une partie de l’histoire de mon amie. Bien que la ville soit maintenant disparue, son histoire continue – Catherine l’a emportée jusqu’à Fermont, Montréal, Québec et St. John’s, en passant même par quelques contrées équatoriales!
Il faut bien se l’avouer, je les ai trouvé captivants, ces paysages miniers.
La route passant tout près de la mine, j’ai pu observer tous les camions jaunes fourmillant dans un réseau de routes de terre. Le complexe était si grand qu’ils avaient l’air de loin d’un terrain parsemé de jouets.
Lorsque que je me suis retrouvée nez à nez avec un de ces mastodontes – haut comme une maison et lourds de 400 tonnes – tout près de l’entrée de Fermont, j’ai vite changé d’idée. Je me suis demandé si papa avait déjà travaillé avec des camions si énormes!
Paul et moi avons brièvement visité l’intérieur du fameux Mur, dans lequel on retrouve restaurants, bureaux, appartements, hôtels et magasins; tout ce qu’il faut pour nourrir, loger et divertir les habitants tout en les gardant bien au chaud.
Nous sommes ensuite repartis vers notre prochaine destination: la frontière Québec – Labrador!
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