Chasse aux possibles de Baie-Comeau à L’Anse aux Meadows
Texte: Véronique Forbes – Illustrations: Catherine Arsenault
Seulement quelques heures sont passées depuis la fin du meeting pendant lequel on a finalement lancé notre projet de recherche portant sur L’Anse aux Meadows. On a reçu la bonne nouvelle du succès de notre demande de financement juste un mois après que la COVID-19 ait été déclarée ‘pandémie’ par la World Health Organisation.
Malgré près de deux ans de délais, on avait enfin de nouvelles données à partager et discuter avec nos collègues.
Ces derniers jours, j’ai eu du mal à me concentrer sur quoique ce soit d’autre parce que j’étais trop excitée à l’idée de pouvoir finalement rassembler l’équipe de collaborateurs pour parler de ce qu’on avait l’intention de faire cet été.
Qu’est-ce qu’il y a de plus excitant que de planifier une saison de terrain avec de vieux amis?
Je pense encore souvent à nos soirées au Pub St. Machar pendant nos études de doctorat à l’Université d’Aberdeen en Écosse, et à nos fins de semaines pendant les saisons de fouilles au nord de l’Islande. On discutait entre amis de rêves et de projets futurs, de ce qu’on allait faire quand on aurait l’expérience et les qualifications nécessaires pour imaginer et diriger nos propres recherches.
Je ne suis pas certaine que j’y croyais vraiment à l’époque. Probablement. J’étais surtout excitée et impatiente de savoir où nous allions tous nous retrouver, une dizaine d’années plus tard. J’avais confiance en l’avenir, mais je n’avais aucune idée d’où l’aventure allait me mener, d’où j’allais finalement me poser pour bâtir ma vie.
Si, dans le temps, on m’avait dit que j’allais obtenir mon poste de rêve à Terre-Neuve, et que je dirigerais un projet portant sur le site L’Anse aux Meadows, je ne suis pas sûre que je l’aurais cru.
Même si Memorial University est l’endroit parfait pour moi, ça a pris une chance inouïe pour qu’il y ait une ouverture juste au bon moment! Et L’Anse aux Meadows me semblait trop légendaire pour faire partie de ma propre histoire.
C’est une amie du baccalauréat en Archéologie à l’Université Laval qui m’en avait appris l’existence. Le seul site en Amérique qui comportait les traces d’une occupation scandinave datant d’autour de l’an Mil de notre ère.
J’avais dit un sincère ‘wow’ et rêvassé de pouvoir visiter un jour. J’avais lu le chapitre de Birgitta Wallace dans le livre qui avait été produit pour accompagner l’exposition Vikings: The North Atlantic Saga inaugurée au Smithsonian en l’an 2000.
Maintenant que je suis allée plusieurs fois à L’Anse aux Meadows, je peux vous dire que l’endroit mérite son aura légendaire.
C’est un coin du monde porteur autant de vies passées et de vitalité que de futurs possibles. Il suffit de prendre le temps d’aller y faire un tour pour admirer ses paysages, observer et écouter ses histoires inspirantes, touchante et épiques, ou de faire la connaissance de ceux qui y vivent toujours aujourd’hui…
En voici un petit aperçu :
La présence et la rencontre de différents groupes autochtones sur les côtes entourant le Détroit de Belle Isle à divers moments au cours des derniers millénaires.
Le seul site Scandinave en Amérique, datant de presque 500 ans avant l’arrivée d’autres Européens à Terre-Neuve.
L’attrait des poissons, mammifères marins et autres ressources abondantes sur ses côtes subarctiques, qui allait attirer l’investissement européen et l’implantation de colonies, transformant son paysage et sa biodiversité et reconfigurant les trajectoires de milliers de vies.
Le village de pêcheurs fondé au début du IXe siècle, dont l’existence paisible allait être bouleversée par l’arrivée des premiers chercheurs scandinaves dans les années 1960, propulsant l’Anse aux Meadows sur la scène internationale.
Je vais t’y emmener un peu plus tard dans ce carnet de voyage, promis.
Pour l’instant, retournons au lendemain d’un petit rassemblement entre famille et amis, chez mes parents, à Baie-Comeau.
Avant de se lancer sur la route Trans-Québec–Labrador, on s’est bien préparé. Papa nous a montré comment changer la roue de la voiture, juste au cas où on aurait un pépin.
On fait une petite vidéoconférence avec ma sœur et les petites pour leur dire au revoir en famille, avant de serrer papa et maman fort dans nos bras et d’embarquer pour la prochaine partie de notre voyage.
J’ai pleuré dans l’auto, mais j’étais heureuse.
On s’est d’abord rendus jusqu’à la centrale hydroélectrique Manic-5, bâtie par Hydro-Québec pendant les années Duplessis et qui avait laissé sa marque sur le Québec de la Révolution Tranquille.
On a qu’à penser à La Complainte de La Manic, une chanson sortie en 1966 et reprise entre autre par Leonard Cohen, et dont les paroles racontent l’ennui, la solitude et l’amour d’un ouvrier de construction travaillant loin de chez lui.
Elle avait même inspiré un numéro de bande dessinées mettant en vedette Bob Morane, intitulé Terreur à la Manicouagan (je l’ai appris grâce aux paroles de L’Aventurier, chanson emblématique du groupe français Indochine)!
Le barrage Daniel-Johnson, avec sa taille impressionnante et ses treize voûtes, a beaucoup impressionné Paul. Il était déçu qu’on n’ait pas prévu de temps pour faire la visite guidée. Je lui ai simplement dit qu’il allait falloir repasser par là.
On a ensuite continué notre route à travers une mer d’épinettes noires, interrompue parfois de torrents et de lacs, et ce jusqu’à ce qu’on atteigne la Station Uapishka, au bord du Réservoir Manicouagan.
Là-bas, nous avons rencontré par hasard un autre campeur. Au fil d’une brève discussion, on a appris que lui aussi enseignait à l’université – quelle coïncidence!
Il faisait un voyage en solo, explorant l’immensité boréale de la Côte-Nord…
Rien n’égale l’euphorie d’un voyage exploratoire pour apaiser les tourments et revigorer l’esprit!
Les commentaires sont modérés par l’équipe du Gaboteur et approuvés seulement s’ils respectent les règles en vigueur. Veuillez nous allouer du temps pour vérifier la validité de votre premier commentaire.