Agence Science-Presse
Aussitôt après l’annonce par Vladimir Poutine qu’il reconnaissait l’indépendance de provinces ukrainiennes pro-russes et qu’il y envoyait des soldats pour les «protéger», le chancelier allemand Olaf Scholz réagissait en suspendant l’autorisation du pipeline Nord Stream 2. Celui-ci, achevé en novembre, relie la Russie à l’Allemagne et a une capacité de 55 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an.
Or, ce nouveau «tuyau» n’est pas un luxe: les deux tiers du gaz naturel utilisé en Allemagne proviennent de la Russie, et 40% du gaz naturel d’Europe provient également de la Russie. C’est pourquoi le pipeline est « suspendu » et non «annulé». L’Allemagne est engagée depuis quelques années dans une sortie du nucléaire, ce qui la rend encore plus dépendante du gaz naturel, en attendant le jour où elle pourra s’alimenter aux énergies solaires ou éoliennes produites sur son sol. Mais ce jour appartient encore à un futur indéterminé.
Comme l’écrivent Dennis Blair — un consultant en énergie — et Joseph Dunford — un chercheur — dans le New York Times, «Moscou voit la dépendance énergétique de l’Europe pour ce qu’elle est: une chaîne d’approvisionnement qu’il peut contrôler et exploiter».
Ce n’est d’ailleurs pas que le gaz naturel qui est en cause: l’Allemagne compte encore des centrales au charbon. Dans la foulée de la dernière conférence sur les changements climatiques (COP26), le pays avait annoncé ramener de 2038 à 2030 sa cible de sortie du charbon. La cible était déjà ambitieuse avant la crise ukrainienne.
Quant au magazine scientifique britannique New Scientist, il rappelle lui aussi mardi que, peu importe la vitesse de transition vers des énergies renouvelables, « le gaz ne disparaîtra pas » de sitôt. Même les élus du Parti vert allemand appuient des projets de terminaux maritimes de gaz naturel liquéfié. Le magazine cite le chercheur allemand Andreas Löschel, qui prévoit tout au plus «une accélération» des projets d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique et «d’hydrogène vert»: ce qui était vu comme du long terme «va devenir plus urgent», dit-il.
Et ça ne s’arrête pas là: la Russie est aussi le deuxième plus gros exportateur de pétrole, après l’Arabie Saoudite. Une guerre — ou l’incertitude quant à la suite des choses — peut avoir un impact suffisant sur les réseaux mondiaux de distribution du pétrole pour que le prix à la pompe augmente de façon significative. Provoquant assez de mécontentement dans les opinions publiques pour que plusieurs gouvernements hésitent quant à la marche à suivre.
Et même si la planète était transportée magiquement dans un futur moins dépendant des énergies fossiles, une autre dépendance apparaîtrait, expliquent Blair et Dunford: les minéraux rares qui sont indispensables aux batteries des véhicules électriques. Minéraux dont une importante partie est pour l’instant extraite en Chine. En 2020, celle-ci contrôlait 60% de la transformation du lithium et du nickel, et plus de 70% de la transformation du cobalt.
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