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En tout cas, suffisamment pour que le gouvernement de la province y fasse deux missions cette année, en février dernier et la dernière en juillet, toutes les deux à Tunis, la capitale. David Lapierre, le coordonnateur du Réseau Immigration francophone de Terre-Neuve-et-Labrador lié à la Fédération des Francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL) en faisait partie, avec notamment Gabriel Williams, directeur des opérations d’immigration au sein du Bureau de l’immigration et du multiculturalisme, relevant du ministère de l’Emploi, de l’Immigration et de la Croissance.
Pour la FFTNL et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, le choix de la Tunisie s’explique autant par la langue que par les besoins communs, commente David Lapierre. «Pourquoi la Tunisie? Parce que c’est un pays francophone, enfin bilingue, arabe et français. Les jeunes, eux, parlent de plus en plus anglais aussi.»
Terre-Neuve-et-Labrador cherche à attirer des travailleurs qualifiés, pendant que la Tunisie fait face à un surplus de diplômés qui peinent à trouver un emploi, pour monsieur Lapierre «c’est un win-win, en fait. Pour eux, les Tunisiens, c’est bon, ça fait de la promotion, ça rapporte de l’argent aussi au pays, puis ça enlève la possibilité de problèmes sociaux, en quelque sorte», sous-entendant ainsi que les cerveaux qui s’exilent ont moins de chance de revendiquer dans leur pays.
Se décrivant comme un observateur des changements et des développements de la vie culturelle et historique tunisienne, cadre auprès du groupe hôtelier ACCOR et ex-président du Club Rotary de la Marsa, en banlieue de Tunis, Kamel Chaieb pousse plus loin la réflexion.
Selon lui, le niveau de l’éducation de base et universitaire tunisien est plus poussé «que dans les autres pays du Maghreb.» En ce qui a trait les domaines scientifiques comme l’informatique, mais également la recherche et le médical, «c’est sans aucun doute la Tunisie qui se place en haut de la pyramide.»
Il ajoute que 10 000 jeunes diplômés, filles et garçons, quittent la Tunisie chaque année. Un chiffre plausible quand on considère que, selon des sources nord-africaines, 6500 jeunes ingénieurs quittent le pays. Pourquoi? «C’est sans doute pour un meilleur avenir, l’attrait du gain et les perspectives d’une vie familiale future meilleure», poursuit monsieur Chaieb.
Il va jusqu’à ajouter que «c’est un énorme problème pour le pays une telle évasion de cerveaux.» Pour lui, de voir ces jeunes partir alors que le gouvernement et le pays ont financé leurs études, «c’est un investissement perdu.»
Une réceptivité encourageante
Du côté terre-neuvien, le message qu’a voulu faire passer Gabriel Williams, alors qu’il était interrogé en Tunisie sur les ondes d’Express FM (www.youtube.com/watch?v=FBNMYgD-5bU), c’est que Terre-Neuve-et-Labrador est la plus sécuritaire des provinces canadiennes où il fait bon vivre avec des opportunités d’emploi «pour des éducateurs bilingues pour la petite enfance et des enseignants de la maternelle à la 12e année.»
Dès la première mission, la réponse des candidats potentiels a dépassé les attentes d’après David Lapierre: «On a fait deux présentations devant des professionnels de la santé, puis une autre devant des professionnels de la petite enfance. Les deux salles étaient pleines avec peut-être 75 personnes chacune.»
L’enthousiasme s’est confirmé en juillet, lors de la deuxième mission. Pour David Lapierre, le défi ne viendra pas du manque de volonté des candidats pour immigrer à Terre-Neuve-et-Labrador, mais plutôt de la capacité des instances locales à traiter les dossiers. «Moi, ce que j’ai le plus peur là-dedans, c’est la lenteur de notre côté. Mais en même temps, il y a un besoin.»
Quand les premiers arrivants débarqueront-ils?
À la question du calendrier d’installation des premiers recrutés, le coordonnateur se montre à la fois prudent et optimiste si les Tunisiens passent principalement par certains programmes fédéraux, compte tenu que «les programmes provinciaux de la province sont déjà quasi pleins.»
L’un des leviers clés est le programme fédéral Mobilité francophone, utilisé notamment par les écoles et garderies. «Ça peut se faire rapidement», selon lui. Il prend pour exemple la vingtaine de nouveaux enseignants dans les écoles francophones de Terre-Neuve-et-Labrador provenant de pays africains comme le Ghana, le Cameroun ou le Maroc. D’après monsieur Lapierre, les résultats concrets de la mission tunisienne s’échelonneront dans le temps, mais les effets devraient se faire sentir dès les prochaines années.
En attendant que les premiers candidats s’installent, la FFTNL et ses partenaires privés ou publics continuent de bâtir des ponts entre les institutions tunisiennes et terre-neuviennes et labradoriennes. Un travail de longue haleine, mais porteur d’avenir pour la communauté francophone de la province. On parle même d’une troisième mission dans quelques mois.