Selon un sondage résolument non scientifique, mais de longues heures d’observations et de confidences toujours en cours, Le Gaboteur est en mesure d’affirmer qu’un des principaux facteurs de croissance de la francophonie de Terre-Neuve-et-Labrador, est un coup de foudre pour quelqu’un, ou pour la place, dans cet ordre ou dans le désordre. Dans l’édition qui précédait la Saint-Valentin 2018, nous avons publié des témoignages et reportages qui démontrent la justesse de ce constat. En cette journée de la Saint-Valentin 2019, il nous fait plaisir de vous offrir, en reprise, deux des articles de ce dossier.
De Dubaï à St. John’s – Après 9 218 kilomètres
Je dirais que ma vie à St. John’s a commencé tempétueusement. L’ouragan Igor était là pour m’accueillir les bras grands ouverts. Where are you from? Un vol turbulent qui déferle vers une île n’est pas la vision que j’avais en tête pour mon arrivée ici (d’autant plus que je venais de finir de regarder la série télévisée LOST).
Par Prajwala Dixit
Je me demande toujours ce qui m’a fait rester malgré une terrible première semaine : solitaire au milieu d’un climat froid et rude. J’ai longtemps cherché la réponse mais je n’ai réalisé que quelques années plus tard que c’était peut-être le destin (et peut-être les gens sympathiques d’ici!). Alors pourquoi? Pour cela, nous devrons revenir plus d’une demi décennie en arrière : le soir où j’ai rencontré une personne très spéciale.
Les MUNnels
C’était ma deuxième ou troisième semaine à l’Université Memorial (MUN) en tant qu’étudiante de troisième cycle et les MUNnels étaient plus un labyrinthe qu’un système de tunnels souterrains. J’étais perdue, à la recherche d’un bâtiment, il était tard et je courais quand j’ai vu soudain une silhouette solitaire vêtue d’une chemise rouge et d’un jean, un sac Jansport sur l’épaule et un café à la main marchant quelques pas devant moi.
« Excusez-moi », dis-je en l’attrapant. « Pourriez-vous m’indiquer la bonne direction du bâtiment Bruneau ? » Il m’a alors très poliment escortée jusqu’au virage le plus proche après lequel je me suis précipitée au bâtiment Bruneau. C’était notre première rencontre. Je ne savais pas que ce ne serait pas la dernière.
Plusieurs mois plus tard, par une froide soirée que j’avais décidé de passer chez moi dans mon pyjama à regarder un show de télé vide de sens, un ami m’a demandée de l’accompagner à jouer au billard.
Cupidon frappe au billard
Dans les films romantiques, j’ai toujours trouvé les scènes où une histoire d’amour commence hilarantes et complètement irréalistes : une douce brise, une belle musique de fond, des regards langoureux.
Mais ce soir-là, quand il est arrivé pour jouer au billard (avec mon ami), il semblait que tout autour de moi avait cessé de bouger, une brise légère est entrée lorsque la porte s’est ouverte et quelqu’un a allumé la musique – comme dans les films romantiques. Il a marché à grands pas, vêtue d’une chemise blanche, rouge et bleue à carreaux, et il a commencé à jouer au billard à côté de moi. J’espérais qu’il me remarque et veuille me parler mais il semblait indifférent à ma présence (ce qui n’était qu’une façade!).
Mais tout d’un coup, Cupidon a frappé ma cheville avec une boule de billard (accidentellement ou volontairement c’est très discutable !). Il s’approcha alors, se mit à genou et leva le regard vers moi avec des yeux brillants. Je sentais que je le connaissais de quelque part, mais j’étais tellement émerveillée que tout ce qui sortait de ma bouche était « Je suis désolée ». Et c’est ainsi que nous nous sommes rencontrés la deuxième fois – par pure destinée.
Plus tard dans la soirée, après avoir bavardé, nous avons réalisé qu’il avait été ma boussole quand j’étais perdue dans les MUNnels. Il continue à être ma boussole et plus encore.
Boussole et plus encore
Aujourd’hui (après plusieurs milliers de « rencontres »), Justin est mon mari, mon meilleur ami, le père de mon enfant, mon partenaire dans le crime et bien sûr l’amour de ma vie.
St. John’s est colorée de tous nos souvenirs – nos premiers rendez-vous, nos restaurants préférés, sa demande en mariage sur Signal Hill, notre première location de maison, notre premier enfant et notre premier achat de maison. Je serai éternellement reconnaissante à St. John’s de m’avoir donné non seulement une éducation de classe mondiale, des possibilités professionnelles extraordinaires, des amis merveilleux mais aussi et surtout ma famille. Nous continuons à vivre ici et espérons continuer à construire toujours plus de souvenirs qui coloreront de façon vibrante St. John’s.
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Une Saint-Valentin au naturel
Stéphane Delisle et sa femme Nycki, installés à St. John’s, ont fait fructifier l’amour au naturel : non contents d’avoir deux beaux enfants, ils sont aussi aujourd’hui à la tête d’une entreprise écologique qui fête ses 21 ans cette année. Portrait.
Par Étienne Vuillaume
Il ne sait pas ce qu’ils feront pour le jour des amoureux; « sans doute rien le jour même mais on ira sans doute s’offrir un repas en tête-à-tête un soir dans les jours à venir », tient tout de même à rassurer Stéphane Delisle.
Fraîchement rentré d’un mois passé en Équateur avec femme et enfants, Stéphane reprend doucement pied avec le quotidien d’entrepreneur : facture, comptabilité, commandes, etc. Cela n’empêche pas ce passionné de forêts, installé dans une ferme de Flatrock, sur la côte Est de Terre-Neuve à un quart d’heure de St. John’s, de relativiser son travail : « en fait, avec Nycki, ma femme, nous n’avons jamais vraiment l’impression de travailler ».
Rencontre à Jasper
C’était déjà le cas en 1994 quand il rencontra l’amour de sa vie à l’autre bout du Canada; en Alberta. Ils s’étaient alors retrouvés tous les deux à servir « dans un hôtel très chic au coeur du parc national Jasper ». Ils travaillaient, certes, mais en savourant la chance d’avoir chacun trouvé l’âme soeur « amoureuse de la nature et des activités de plein air » parmi onze mille kilomètres carrés d’un parc au sein d’un pays qui n’en fait pas moins de dix milliards.
Aussitôt leur expérience des Rocheuses terminée, « Nycki est rentrée à St. John’s, sa ville d’origine, parce qu’elle avait encore un cours de collège à finir. » Sébastien, lui, est retourné sept mois au Québec, sa terre natale, « pour travailler comme maître nageur-sauveteur ». Ensuite, il rejoint sa dulcinée à Terre-Neuve et en 1997, année de célébration des 500 ans du voyage de John Cabot, le dit « découvreur » de l’île, c’est le déclic : « il y a avait beaucoup de festivités, de générosité dans l’air. Alors on a acheté pour 4 000 dollars de tabac, de pipes, de chanvre, d’encens et de produits de beauté naturel et on a ouvert. L’idée avait germé en Alberta : c’est proche de la Colombie-Britannique et là-bas, les gens étaient déjà fans des produits naturels. Il n’ y avait rien à Terre-Neuve ; alors on s’est lancés ! On pensait ouvrir que durant cet été-là… Hempware aura 21 ans cette année. »
Une famille à la ferme
À l’heure du commerce en ligne « la concurrence est plus rude, c’est sûr, mais c’est bien : ça motive ! Et les produits de ce marché sont tous naturels. Donc si tout le monde pouvait se lancer dans l’écologie, ça serait en fait bénéfique pour tout le monde, la Terre en a bien besoin! », dit Stéphane.
Non contents d’avoir réussi dans le monde des affaires, ces Valentins de 43 ans ont aussi trouvé le temps au début du millénaire d’avoir une fille puis un garçon. L’installation à la ferme? « C’est un autre coup de chance : on a eu l’opportunité de l’acheter, il y avait beaucoup de terrain. Depuis on a donc six moutons, un bélier, une quarantaine de poules, des canards et des oies ; ce qui fait qu’on a des œufs frais tous les jours. D’ailleurs on a souvent du surplus qu’on donne aux copains! »
Tout cela « sans compter que Nycki s’occupe du jardin : nous avons des petits pois, des pois chiche, de la salade et des herbes pour la cuisine ». Chantres de l’autosuffisance et de l’autonomie, ces passionnés de la planète bleue ne céderont aucunement à la mercantilisation de la fête des amoureux : c’est tout juste s’ils proposeront des paniers garnis de produits de bien-être bio pour l’occasion.
« Mon fils a eu pour Noël son premier sweater Adidas. Ce n’est évidemment pas moi qu’il lui a offert et c’est bien loin de notre conception de la consommation ; mais on laisse faire, il en tellement fier devant ses copains. On explique bien sûr aux enfants notre philosophie de vie ; ils deviennent grands et savent, mais on pense qu’ils doivent aussi comprendre par eux-mêmes, qu’ils doivent se découvrir. Il faut les laisser grandir. » Une preuve d’amour… au naturel.
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