Autochtone, Société, Tous

En reprise: La reconnaissance des Qalipu: une histoire qui finit bien

(Tirée de l’édition du 8 juin 2015 de nos archives)

David Jensen

Depuis quelques années maintenant, le gouvernement canadien reconnaît le groupe mi’kmaq Qalipu comme étant un peuple de premières nations. Tout comme leurs confrères de la première nation de Miawpukek (Conne River) sur la côte sud de l’île, la reconnaissance de leur statut comme peuple autochtone était incertain suivant la confédération avec le Canada en 1949. Alors que Miawpukek fut reconnu en 1984, les autres groupes autochtones de l’île étaient en quelque sorte mis de coté. 

Tente Mi’kmaq traditionnelle, une structure en bois construite sur un terrain de gazon dans une forêt
Tente Mi’kmaq traditionnelle, photographie en 2006 au Mi’kmaq Heritage Park, une réserve écologique privée accessible par le chemin Benoit, à Degrau (Benoit First Nation, péninsule de Port-au-Port). Photo: Archives du Gaboteur

Suite à l’accord en 2008 qui a reconnu la Première Nation Qalipu (officiellement formée en 2011 par une décision juridique de la Cour fédérale du Canada), le gouvernement canadien a invité les membres du groupe, situés pour la plupart sur la côte ouest et au centre de Terre-Neuve, à soumettre des candidatures pour obtenir le statut d’autochtone (ou comme le dit la carte d’identité que reçoivent les membres, le « statut d’indien ». Mais là, c’est une autre histoire. . .). 

Le processus d’application a comporté plusieurs volets : tout d’abord il fallait prouver ses racines mi’kmaq à l’aide de certificats de naissance ou records paroissiaux. On pouvait aussi démontrer qu’on résidait dans une des communautés considérées comme étant mi’kmaq Une autre facteur important était de prouver comment on préservait la mode de vie traditionnelle mi’kmaq, c’est-à-dire les méthodes de chasse ou de pêche, les coutumes, ou le respect de l’environnement. 

Le gouvernement a reçu environ 25 000 candidatures entre 2008 et 2009, ce qui représente les membres fondateurs de la première nation. Pourtant, suite à un autre processus d’application entre 2011 et 2012, plus de 100 000 autres candidatures étaient reçues. Le gouvernement ne s’attendant pas à un nombre si élevé, le processus d’évaluation des dossiers a pris un grave retard et ne sera terminé qu’en août 2015. 

Les Mi’kmaq de Terre-Neuve sont sans doute heureux de pouvoir finalement faire reconnaître de façon officielle l’identité qu’ils ont toujours connue. Alors que partout ailleurs dans le pays, les peuples métis et de premières nations étaient reconnus comme tels par leur gouvernement (pour de mal comme pour de bien), les gens de Terre-Neuve ayant une histoire familiale comparable n’avaient pas ce statut . . . et donc n’avaient pas accès aux mêmes services et droits que les autres autochtones du Canada.

Identité en conflit

Pourtant, cette reconnaisse d’identité n’est pas l’histoire de tous. Pour d’autres, être admissible au statut d’autochtone ne se traduit pas en désir de l’obtenir. C’est quelque chose que je dis sans craindre me faire contredire, car cette situation est la mienne. 

En 2012, lorsque le gouvernement fédéral recevait les premières applications au statut d’autochtone pour la bande Qalipu, mais famille et moi avons commencé à faire des recherches sur notre connexion à ce groupe. Comme ma mère vient de la côte ouest, nous avions toujours considéré que ce lien existait. 

Nous avons réussi à démontrer la connexion entre William (Prosper) Compagnon, un Mi’kmaq qui est né sur une réserve en Nouvelle-Écosse en 1824, et ma mère. Nous nous sommes donc mis à remplir tous les formulaires qu’il fallait et à compiler tous les certificats de naissance qui expliquaient les relations familiales. 

Pourtant, quand on s’approchait à la date limite pour poser la candidature, j’ai commencé à me sentir mal à l’aise. Toute ma vie je m’étais considéré comme ayant des racines anglaises et danoises. Comme j’ai les cheveux et les yeux légers et surtout parce que j’ai un nom de famille scandinave, pour moi c’était plus facile de voir cette partie de mon histoire. 

Je me suis donc demandé pourquoi je cherchais à obtenir le statut d’autochtone. Même si ça faisait partie de mon patrimoine, je n’avais aucune connexion avec la mode de vie ou la culture mi’kmaq. Je ne m’identifiais pas comme étant autochtone. Je ne fais pas de chasse. Je suis peut-être le pire pêcheur qui ait jamais habité Terre-Neuve. Je respecte l’environnement, mais je suis certain que quand mes ancêtres mi’kmaq protégeaient la Terre qui les soutenait, ils ne pensaient pas à ramasser leurs cannettes vides de Pepsi et les amener au Green Depot. Pour moi, le lien culturel avait été perdu. 

En effet, j’ai décidé de ne pas postuler pour mon statut. Je ne partageais pas l’histoire, les connaissances, les coutumes, et surtout l’identité des Mi’kmaq, donc comment est-ce que je pouvais me permettre d’obtenir cette carte et tout ce qui vient avec? Ce n’est pas que je veux cacher cette partie de mon histoire, c’est simplement que ce n’est pas qui je suis. 

Pour certains, ce patrimoine prend une place centrale dans la vie. Le fait d’être autochtone est quelque chose de partagé dans la communauté. On n’a qu’à regarder la municipalité de Cap-St-Georges. Comme partout sur la péninsule de Port-au-Port une grande portion des résidents sont Mi’kmaq, à un tel point que les résidents ont fondé la Benwah First Nation qui compte parmi ses membres et les individus ayant le statut d’autochtone sous le groupe de Qalipu, et ceux qui se considèrent comme étant autochtone même s’ils n’ont pas le statut. En plus de leur patrimoine français, cette histoire partagée est centrale à la vie et à l’identité des membres de la communauté. 

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