Coline Tisserand
Dans la salle de classe d’immersion de 4e année de Beachy Cove Elementary School, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. On peut aussi bien observer les élèves en train de tourner des publicités pour la protection de l’environnement, préparer le rôle d’un soldat de la Seconde Guerre mondiale, ou encore coder des jeux vidéo sur le thème de la conservation d’énergie.
C’est leur professeur Laun Shoemaker, à l’imagination débordante, qui se cache derrière ces projets pédagogiques originaux et variés. Ce dernier, qui fait partie des lauréats de 2021 ayant reçu un certificat d’excellence dans l’enseignement, construit notamment ses apprentissages autour des «6 C». Ce terme fait référence en éducation à une liste de «compétences du 21e siècle» à développer chez les étudiants, soit la créativité, la collaboration, la pensée critique, la communication, la citoyenneté et le caractère.
Faire entrer les beaux-arts dans la classe
Depuis qu’il est tombé dans la marmite de l’éducation en 2007, cet ancien commerçant anglophone originaire d’Ontario fait tout pour offrir à ses élèves des opportunités d’apprentissage en français authentiques et motivantes.
Son secret pour garder cette énergie créatrice après 15 années dans le métier? Trouver toutes les occasions possibles pour «faire quelque chose de nouveau dans la salle de classe», répond-il le plus simplement du monde. «Je suis toujours intéressé par les nouveaux programmes et les activités différentes, et chaque année, il y a pas mal de subventions pour différents projets.»
Passionné des beaux-arts, M. Shoemaker est devenu un expert en demande de subventions – il a réussi à obtenir 37 bourses, soit plus de 180 000$ depuis ses débuts – afin de pouvoir développer des projets culturels et artistiques. «Je vois les subventions […] comme une façon d’amener des personnes francophones [ou anglophones qui parlent français] dans la salle de classe», explique le professeur, également trésorier au Second Language Council de la Newfoundland and Labrador Teachers’ Association (NLTA).
Ainsi, grâce à ces financements, la chanteuse Mary Barry, la danseuse et conteuse Louise Moyes, l’acteur et écrivain Paul Rowe, le réalisateur et producteur Xavier Georges, ou encore l’artiste intuitive Dominique Hurley sont passés par les bancs de la salle de classe de M. Shoemaker. La pandémie, plutôt que de freiner ces interventions, a ouvert grand les portes de ses cours. «J’ai eu deux ou trois visiteurs d’Ontario dans ma salle de classe […], qui sont venus par vidéo pour parler aux enfants», raconte-il.
Miser sur l’authenticité
En 4e année d’immersion, 80% de l’enseignement scolaire se passe en français pour ces enfants anglophones âgés de 9 et 10 ans. Mais l’enseignant ne cache pas le défi quotidien que représente le fait de les «garder» en français, alors que le reste de leur vie se passe en anglais à l’extérieur des cours. «À Terre-Neuve, la population francophone est tellement petite, alors je fais tout mon possible pour mettre les enfants en contact avec les francophones. […] Je pense que, si les enfants ne savent pas qu’ils peuvent utiliser la langue hors de la salle de classe et qu’il y a d’autres personnes avec qui ils peuvent parler en français, c’est inutile vraiment.»
Pour ce faire, Laun Shoemaker essaie de lier les objectifs du curriculum d’immersion avec des tâches en français ancrées dans des situations réelles. Un des derniers projets en date est la création de balados en français avec la classe de 4e année de l’école primaire Vanier et leur professeure Ashleigh Hudson. En tandem, les jeunes se sont mis dans la peau de journalistes pour interviewer des personnalités francophones ou francophiles de la province (scientifiques, acteurs, musiciens, chanteurs, acrobates, etc.). Ils ont ensuite créé et monté des balados en français. «C’était un projet un peu difficile, mais ils étaient surexcités de travailler comme cela», raconte M. Shoemaker, actuellement en année sabbatique.
Il accorde une place importante au développement des compétences technologiques des jeunes et a également développé le programme GRIT (Girls Revelling in Technology, en français «les filles s’amusent en technologie»), une initiative qui encourage les filles de sa classe à explorer le domaine des STIM (Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques) à travers divers projets scientifiques.
Trouver la joie avec les élèves
Recevoir ce prix d’excellence est «un grand honneur» pour le professeur, qui avoue avoir eu «les larmes aux yeux» quand il a appris la nouvelle. Il se dit chanceux d’être soutenu dans ses «projets fous» par la direction de son école et ses collègues enseignants.
Son message pour les jeunes professeurs qui débutent? «Je crois que c’est de trouver la joie dans le travail, d’apprécier d’être avec les enfants. Et de ne pas tout miser sur les notes. […] C’est plutôt de donner des défis amusants et intéressants aux élèves et de les regarder fleurir et prendre des projets en main.» C’est d’ailleurs avec le mot «joie» qu’il nous résume ses 15 ans de carrière.
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