Cette édition du Gaboteur suit de près les célébrations de la Journée provinciale de la francophonie à Saint-Jean, Labrador City, Happy Valley-Goose Bay et La Grand’Terre. Nous y consacrons un photoreportage, en page 16. Difficile de transmettre, en quelques images, la fierté ressentie ce jour-là au moment où le drapeau jaune, rouge et bleu a été hissé dans le ciel presque en simultané dans la Capitale, dans la péninsule de Port-au-Port et au Labrador.
Difficile aussi de transmettre, en photo, l’émotion provoquée chez les participants à la cérémonie protocolaire officielle tenue à l’édifice de la Confédération, par la magnifique interprétation de la chanson « La langue de chez-nous », d’Yves Duteuil, par un chœur d’élèves de l’École des Grands-Vents. Quelques larmes ont même coulé ! À cause de la justesse du ton ? En partie. Mais c’est aussi, et surtout peut-être, leur nombre qui a chamboulé les cœurs. Il y a 10 ans à peine, il y avait moins d’élèves au total dans cette école que de choristes la représentant le 29 mai dernier !
La cérémonie officielle à l’édifice de la Confédération a aussi été l’occasion de souligner plusieurs anniversaires : les 10 ans du Centre scolaire et communautaire des Grands-Vents, les 20 ans du Bureau des services en français et les 30 ans de l’éducation en français à La Grand’Terre. Oui, il y avait plusieurs raisons de faire, fièrement, la fête.
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Quel chemin parcouru depuis les années 1970, alors que la présence de francophones, sur la côte ouest de Terre-Neuve, était pratiquement ignorée ailleurs dans la province. Et ceux qui connaissaient leur existence les traitaient, avec mépris, de Jackaters. Ce terme désignait les Terre-Neuviens issus d’unions entre des Français et des Mi’kmaq. Jackatar était également utilisé pour décrire leur langage, peut-on lire dans le Dictionary of Newfoundland English.
Dans cet ouvrage, on retrouve cet extrait du journal d’un visiteur de la Baie Saint-Georges, en 1857 : « Le 23 mai, je suis allé voir un pauvre homme, malade depuis sept mois. Lui et sa famille appartiennent à la plus négligée et désespérée des races appelée Jack-a-Tar. Ils parlent un dialecte impur de français et d’indien et ils ont des habitudes hors la loi. »
Depuis quelques années, et de plus en plus, être Jackatar est en voie de prendre un tout autre sens. « Nous sommes des fiers Mi’kmaq français – Jackatars- Nous sommes Taqamkukewa’q! », résume Delina Petit Pas, de la Baie Saint-Georges.
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Dans cette édition, nous consacrons trois pages au mouvement de reconnaissance de la Première Nation Qalipu (caribou en français) à Terre-Neuve et à la volonté, de plus en plus affirmée, de ces Mi’kmaq sans réserve, de mettre en valeur leur culture et leur contribution à l’histoire de la province. À réécrire cette histoire aussi, en particulier celle des résidents de la côte ouest.
« L’Église catholique a ordonné aux enseignants de frapper les enfants Mi’kmaq s’ils disaient un seul mot dans leur précieuse langue », soutient madame Petit Pas. « Le mouvement actuel apporte une nouvelle compréhension de l’identité des Mi’kmaq français – les Jackaters. Nous étions, et nous sommes encore, le produit, d’un traumatisme identitaire », écrit-elle aussi.
La fierté de ces racines autochtones, doublée, il ne faut pas le cacher, de la volonté de recueillir les avantages financiers qu’elles confèrent, s’expriment avec force et en grand nombre dans la péninsule de Port-au-Port. Selon les données diffusées par le conseil de bande de Benoit First Nation, 785 résidents de la région ont des origines autochtones et sont membres de la nation Qalipu.
Contrairement à de très nombreux demandeurs du statut « d’indien » qui ont découvert avec étonnement qu’ils étaient issus d’unions entre Blancs et Mi’kmaq, la majorité des gens de Port-au-Port savaient, depuis longtemps. Et ils en avaient malheureusement, pour plusieurs, honte. Le vent tourne, heureusement.
Aujourd’hui, impossible d’ignorer que la région, dite berceau de la francophonie terre-neuvienne, est aussi un des berceaux de la Première Nation Qalipu. Quels en seront les impacts ? Trop tôt pour le dire. Chose certaine, ne pas intégrer cette donnée dans les réflexions sur l’identité des Franco-Terre-Neuviens de Port-au-Port, donc sur leur avenir, serait une terrible erreur.
Jacinthe Tremblay
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