Inès Lombardo — Francopresse
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada mise tout sur le budget 2023. Pour Liane Roy, présidente de l’organisme, le budget fédéral 2022 ne représente qu’une reconduction de ce qui était annoncé en 2021.
Celui-ci, qui faisait plus de 850 pages, détaillait clairement la distribution des investissements destinés aux francophones. Cette année, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a présenté un document de 304 pages offrant peu de détails sur la ventilation des sommes allouées à la francophonie canadienne.
La FCFA se refuse à le souligner soutenant que toutes les enveloppes budgétaires pour les francophones seront détaillées dans le Plan d’action pour les langues officielles (PALO), en 2023. C’est pour cette raison que Liane Roy s’attend à un budget plus conséquent l’an prochain.
«Mon discours serait différent si [le projet de loi modernisant la Loi sur les langues officielles] avait reçu la sanction royale avant le budget 2022», assure la présidente de la FCFA. Pour cette dernière, la priorité est de poursuivre le travail sur les amendements à apporter au projet de loi C-13.
Elle se réjouit par ailleurs des 2,1 G$ sur 5 ans prévus pour accélérer les délais de traitement des résidences permanentes. Lors de la première mouture du projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles, l’organisme avait demandé de faire de l’immigration une priorité afin de rétablir le poids démographique des francophones à l’extérieur du Québec.
D’autres organismes francophones se disent davantage «préoccupés», à l’image de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC). Dans le budget fédéral de l’an dernier, le gouvernement avait annoncé 121,3$ millions sur trois ans pour les établissements postsecondaires en situation minoritaire.
Justin Trudeau avait également promis que ce montant serait bonifié à hauteur de 80$ millions par année, lors de sa campagne électorale de l’automne dernier. Mais le budget 2022 ne précise rien sur cette promesse.
«Nous prenons acte du fait que, dans le budget fédéral 2022, le gouvernement fédéral n’a pas doublé l’enveloppe annuelle prévue pour appuyer le postsecondaire comme promis dans le cadre financier de la plateforme électorale du Parti libéral du Canada», déclare Lynn Brouillette, directrice générale de l’ACUFC.
Faute d’annonce, l’organisme se tourne aussi vers le futur Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.
Plan d’action et budget ne vont pas «l’un sans l’autre»
Pour Soukaina Boutiyeb, directrice générale de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC), outre la francophonie canadienne et les femmes, le budget 2022 ne tient pas compte de l’intersectionnalité.
«Sur le terrain [malgré quelques annonces pour les femmes], les francophones sont oubliés», souligne-t-elle. Par exemple, aucune clause linguistique n’est précisée, notamment au niveau des services de garde d’enfants.
Quant aux espoirs de voir les détails des sommes destinées au Plan d’action dans le budget 2023, elle observe que «l’un ne va pas sans l’autre. Le PALO est un plan qui donne une vision quinquennale d’un gouvernement dans son investissement par rapport aux minorités linguistiques. Cela [n’empêche pas] le budget d’être une occasion à saisir pour le gouvernement, pour assurer qu’il a une lentille francophone à travers ses investissements.»
«On dirait qu’on dit aux francophones que c’est seulement dans ce plan qu’il y aura des annonces budgétaires», note-t-elle. Et ce n’est pas le cas, puisque de nombreuses organisations de femmes francophones ne peuvent exister dans certaines provinces ou territoires faute de financement continu au sein du budget, fait-elle valoir.
La transversalité des langues officielles pas respectée
Selon Linda Cardinal, politologue et professeure à l’Université de l’Ontario français (UOF) à Toronto, attendre le plan d’action est une «demi-réponse. Les langues officielles ne commencent pas en 2023.»
Pour la professeure, c’est «comme si les langues officielles ne faisaient pas partie de la vie courante du gouvernement».
«En fait, c’est comme si le budget était fait pour la majorité, alors qu’un plan d’action, c’est un coup de pouce», résume-t-elle.
Au fil des budgets et des gouvernements, la professeure affirme n’avoir jamais vu de lentille francophone. Selon Linda Cardinal, ce n’est pas tant le manque d’argent, mais le manque de mention des communautés francophones minoritaires ou de langues officielles qui fait défaut.
La culture francophone, toujours dans la relance postpandémie
Lors du dépôt du budget, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a assuré que la relance liée à la COVID était «derrière [les Canadiens]». Une affirmation qui ne convient pas au secteur culturel.
Marie-Christine Morin, directrice générale de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), se dit déçue. Elle qualifie les investissements dans le secteur de «ténus» et surtout, pas nouveaux. Si la directrice générale salue les montants accordés à Patrimoine canadien pour le Centre national des Arts et Téléfilm Canada, ils ne sont pas suffisants pour remettre la culture francophone sur pied. «Il va nous falloir de deux à trois ans pour ça», explique-t-elle.
Marie-Christine Morin pointe notamment le fait qu’aucun budget n’accorde aux artistes, artisans et travailleurs de la culture l’accès à un filet social qui leur permettrait de vivre décemment.
Joël Godin, ministre du Cabinet fantôme responsable des Langues officielles au Parti conservateur, a vivement réagi à l’absence de francophonie dans le budget fédéral. «C’est pathétique, assure-t-il. On le répète depuis des années, il faut des clauses linguistiques. Il n’y a aucun espoir pour faire avancer le fait français.»
Selon lui, le gouvernement a raté l’occasion de faire des annonces, surtout avec un projet de loi modernisant la Loi sur les langues officielles, qui est présentement à l’étape de la deuxième lecture aux Communes.
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