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Isabelle Côté et Yolande Pottie-Sherman: Une analyse comparative de la relocalisation

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Propos recueillis par Hannah Loder (Traduction Le Gaboteur – Texte original publié en anglais dans Newfoundland Quarterly)

Photo- Courtoisie Newfoundland Quarterly

Hannah Loder- Votre livre Resettlement adopte une approche comparative internationale a l’étude de la relocalisation. Bien que Terre-Neuve-et-Labrador ne soit évidemment pas le seul endroit qui ait été confronté à la question de la relocalisation, pensez-vous que les plans de relocalisation du gouvernement provincial ont inspiré ceux d’autres gouvernements dans le monde?

Isabelle Côté et Yolande Pottie-Sherman- Nous n’avons pas trouvé de preuves suggérant que d’autres gouvernements regardent la politique de réinstallation communautaire de TNL et disent: «excellente idée, copions-la». Mais nos archives montrent que les politiques de réinstallation de TNL ont quant à elles toujours été influencées par des objectifs tels que la modernisation, l’urbanisation ou le colonialisme, et ces objectifs ont également donné naissance à de nombreux autres projets de relocalisation à travers le monde. Notre objectif était de nous éloigner de la notion que Terre-Neuve-et-Labrador est trop unique pour établir des points de comparaison utiles.

HL- Le livre soutient que le Community Resettlement Plan (CRP, ou le Plan de relocalisation communautaire) de Terre-Neuve-et-Labrador favorise des objectifs néolibéraux. Le gouvernement provincial sous-estime-t-il l’importance culturelle des communautés rurales? 

IC&YPS- Quarante ans de néolibéralisme ont créé une situation où le gouvernement provincial est incapable de penser au-delà de cette idéologie – le récent rapport Greene le démontre clairement. Qu’est-ce qui serait possible en termes de soutien aux communautés côtières si nous enlevions ces lunettes néolibérales?

Le livre souligne également combien les programmes de réinstallation à TNL et ailleurs ont du mal à prendre en considération les «éléments intangibles» de la réinstallation: la perte de l’héritage familial, la perturbation du sens des lieux, de la communauté et des valeurs, ainsi que les conséquences psychologiques et émotionnelles à long terme qui peuvent être associées à ces changements. Ces éléments ne sont pas pris en compte dans les programmes financiers proposés par le gouvernement.

HL- Pensez-vous que le gouvernement de TNL comprendra un jour que rester dans une communauté rurale est un «processus actif»? Ou bien les résidents ruraux continueront-ils à être considérés comme des pièces dans un jeu?

IC&YPS- Notre livre montre que les habitants des zones rurales de TNL n’ont jamais accepté d’être des pions. Il y a toujours eu de la résistance, que ce soit en votant «non» à la relocalisation, en faisant des demandes d’appel sur des décisions de résidence, ou à travers des formes plus tacites de résistance, comme George Withers le décrit dans son chapitre sur le Programme de relocalisation des ménages de pêcheurs («Fisheries Household Resettlement Program» en anglais).

Nous avons également constaté un niveau similaire d’engagement et d’action chez des personnes qui ont participé à des programmes de relocalisation à l’extérieur de TNL. En Irlande, les citadins qui souhaitaient s’installer dans les campagnes irlandaises devaient présenter une demande officielle à l’organisme Rural Resettlement Ireland (RRI) et rester en contact avec l’organisation tous les mois pour montrer leur désir et leur volonté de participer au programme. Il ne s’agissait pas d’une réinstallation passive, dirigée par l’État.

HL- Y a-t-il des cas actuels de relocalisation potentielle, au Canada ou à l’étranger, que nous devrions surveiller ?

IC&YPS- Nous assistons à un changement majeur dans la façon dont les gouvernements réagissent aux risques environnementaux liés au changement climatique. C’est clairement le cas aux États-Unis, où le plan de réinstallation de l’Isle de Jean Charles sert de test en vue du retrait planifié des zones côtières. On s’intéresse beaucoup plus à l’utilisation de l’expropriation pour forcer des communautés entières à accepter des rachats et à se reloger après des risques environnementaux, plutôt qu’à reconstruire. La politologue Nicole Marshall explore les enjeux éthiques de la réinstallation liée au changement climatique. Si votre maison disparaît lentement mais sûrement à cause de l’érosion côtière ou de l’augmentation du niveau de la mer, à qui incombe la responsabilité de vous reloger? De tels projets de réinstallation sont actuellement en cours dans de petits États insulaires comme Tuvalu, Kiribati et les Maldives, mais pourraient bientôt voir le jour plus près de chez nous, dans l’Arctique canadien.

Resettlement: Uprooting and Rebuilding Communities in Newfoundland and Labrador and Beyond, publié par Isabelle Côté et Yolande Pottie-Sherman, est disponible auprès de Memorial University Press (www.memorialuniversitypress.ca).

Hannah Loder est étudiante en droit à l’Université Dalhousie. Elle vient d’obtenir un BA (Hons) en sciences politiques et en philosophie de l’Université Memorial.

Dr Yolande Pottie-Sherman est professeure adjointe en géographie à l’Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador et codirectrice de l’espace Adaptive Cities & Engagement (ACE), un laboratoire de recherche qui fait la promotion de la justice sociale et de l’inclusion dans les petites villes. Elle est une géographe urbaine et politique qui écrit principalement sur la migration humaine.

Dr Isabelle Côté est professeure adjointe au département de sciences politiques de l’Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador. Ses travaux portent sur le rôle des mouvements internes de population sur les conflits intra-étatiques et les politiques litigieuses en Asie et ailleurs.

Des nouveaux critères de relocalisation

La relocalisation est depuis longtemps un sujet qui entre et sort de la conscience collective des citoyens de Terre-Neuve-et-Labrador. Le 27 octobre dernier, l’Honorable Krista Lynn Howell, Ministre des Affaires municipales et provinciales a annoncé des changements à la Community Relocation Policy. Ce document du gouvernement provincial contient les critères liés à l’approbation des demandes de relocalisation soumises par des communautés. La politique exige maintenant que 75% des résidents permanents à temps plein votent en faveur de la réinstallation au lieu de l’ancien taux de 90%. La définition d’un résident permanent a également changé: il s’agit d’une personne qui a commencé à vivre dans la communauté un an avant la présentation de la demande de relocalisation. Les personnes vivant dans des foyers de soins personnels ou des maisons de retraite ne sont pas considérées comme des résidents permanents. (RAD)

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