Si le déclenchement d’élections anticipées par Justin Trudeau n’a pas fait l’unanimité à travers le pays, celles-ci auront bel et bien lieu le 20 septembre. Or, qui dit élection dit tentatives de séduction de l’électorat. Les promesses et les engagements politiques des futurs élu.e.s font partie de l’arsenal utilisé par ces derniers afin de convaincre les électeurs et électrices que leur formation politique a les meilleures idées et la meilleure plateforme; donc que leur parti est le plus apte à bien gouverner. L’électorat se retrouve alors bombardé de grandes déclarations de principe et de promesses plus vagues que précises qui ne permettent pas nécessairement aux électeurs et électrices d’évaluer le bien-fondé et la faisabilité de ces promesses.
De la parole aux actes?
Une fois au pouvoir, les citoyens veulent savoir ce qu’il est advenu des engagements du parti élu pour pouvoir juger de la capacité du gouvernement en place à tenir ses engagements. Le Polimètre, une initiative indépendante créée des politologues pour vérifier si les politiciens respectent les promesses qu’ils font, s’avère alors utile pour connaître rapidement le pourcentage de promesses réalisées ou non par le parti élu. Selon le Polimètre, Justin Trudeau a par exemple réalisé 45% de ses promesses et en a rompues 27% depuis le début de son mandat.
Puisqu’il est possible de constater que les élu.e.s ne respectent pas toutes leurs promesses, on peut alors légitimement s’interroger sur les moyens possibles de les rendre plus responsables de leur parole. Peut-on appliquer des mesures d’imputabilité gouvernementale face aux promesses des partis, c’est-à-dire appliquer des mesures punitives s’ils ne respectent pas leurs engagements? Et si oui, comment faire appliquer ces mesures? Un politologue et une activiste prennent la parole sur ces questions.
L’avis de l’activiste KERRI CLAIRE NEIL
La co-présidente de l’organisation Social Justice Co-operative NL basée à St. John’s, affirme que l’imputabilité ministérielle est difficilement atteignable dans un pays aussi vaste que le Canada. Cependant, elle croit qu’il y a tout de même une manière de pouvoir atteindre un degré de responsabilisation qui pourrait être acceptable chez les partis élus. Il s’agirait selon elle de décentraliser le pouvoir, c’est-à-dire de donner plus de chances à la population générale de s’exprimer sur les enjeux de société et de faire en sorte qu’elle prenne beaucoup plus de place politiquement. Ce principe s’appliquerait en fonction des différentes réalités régionales et grâce à des actions directes visant les députés puisque «ce qui fonctionne à Toronto ne fonctionnera pas nécessairement ici [à St. John’s]» [traduction libre]. Elle propose une solution pour palier à ce problème. «Un gouvernement décentralisé est ce que nous devons viser pour obtenir une véritable imputabilité, puisque le Canada est une large entité politique […] [Je] ne crois pas que la taille du pays sert les intérêts des communautés […] puisqu’il est difficile de tenir les élu.e.s responsables de leurs actions» [traduction libre]. C’est donc un changement de système dans le processus décisionnel du pays que Kerri Claire Neil évoque dans sa réponse.
L’avis du politologue YVON GRENIER
Dans un échange de courriel, l’enseignant en sciences politiques à l’Université Saint-François-Xavier en Nouvelle-Écosse affirme qu’il n’y a qu’une seule manière efficace de rendre les élu.e.s responsables: «utiliser l’urne pour les mettre à la porte» si nous sommes insatisfaits par rapport au non-respect de leurs engagements. Bien que nous puissions critiquer les représentants gouvernementaux, le politologue stipule qu’il n’y a pas de réelles façons d’utiliser le système de justice pour parvenir à les obliger à respecter leurs promesses. Le moyen le plus efficace serait donc la menace de non-réélection (ou de réélection) afin de tenir les politicien.nes responsables de leurs (in)actions. Il renchérit en affirmant que «les politiciens veulent être élus et réélus; c’est là où ils sont le plus imputables».
Dans tous les cas, l’imputabilité ou le manque d’imputabilité est un facteur déterminant qui peut ou bien fortifier ou bien effriter le lien de confiance entre la population et ceux et celles qui les représentent au niveau gouvernemental. Que le gouvernement élu soit majoritaire ou minoritaire le 20 septembre, les citoyens seront à l’affût pour vérifier si ce dernier joint les actes à la parole.
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