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Émile Benoit… 30 ans après son décès, le 3 septembre 1992, la musique et la mémoire de ce Franco-Terre-neuvien de la péninsule de Port-au-Port sont toujours vivantes !

Magazine d’été 2022

Musique

Émile Benoit

Un texte de Matthew Hornell et Julie Leguerrier

La péninsule de Port-au-Port, sur la côte Ouest de l’île de Terre-Neuve, a vu naître de très nombreux musiciens, conteurs et danseurs d’origine acadienne et française de talent. Mais Émile Benoit est sans conteste le plus célèbre, et le plus célébré, de ces batailleurs pour la préservation du fait français dans la province.  

Pierre tombale d’Émile Benoit à l’Ansa à Canard Crédit : Laëtitia Rattier

Né à l’Anse-à-Canards (Black Duck Brooks) en 1913, Émile Benoit parle uniquement le français jusqu’à l’âge de 12 ans. Il fréquente l’école pendant trois ans avant de se dédier à toutes les autres tâches essentielles à la vie dans les localités côtières de l’île au début du 20e siècle. Il sera fermier, pêcheur, charpentier, menuisier, bûcheron et forgeron. On dit même qu’il occupe à ses heures les rôles de docteur, de dentiste, de vétérinaire, voire de sage-femme du village! Dès l’adolescence, il anime aussi bénévolement, avec ses contes et son violon, les soirées dansantes et les mariages de son coin de pays. 

Mais son rayonnement partout dans la province débute au milieu des années 1970, alors qu’il devient un des violoneux et conteurs favoris des jeunes musiciens anglophones de la capitale qui font rocker la tradition et qui racontent la province par des créations originales en chanson, en littérature, en humour et en théâtre.  

« Il y avait, à l’époque, des centaines, voire des milliers d’excellents violoneux mais la plupart d’entre eux interprétaient des pièces d’Irlande ou du Cap-Breton. Émile Benoit, en intégrant ces sonorités et ces rythmes à ceux de plusieurs peuples qui font aussi partie de notre histoire, comme les Acadiens et les Français, a créé la musique de Terre-Neuve », résumait le musicien  Kelly Russell au Gaboteur, en 2017. 

Entre le moment où il a eu son premier violon, à l’âge de 12 ans, et son décès en 1992, Émile Benoit a composé quelque 200 pièces pour violon immortalisées dans les albums Emile’s Dream (1979), It Comes from the Heart (1982) et Vive la rose (1992). On peut également prendre toute la mesure de son talent de conteur, autant en anglais qu’en français, avec les deux vidéos «Black Mountain, par Émile Benoit» disponibles sur YouTube.

«Faire rire le monde et pis assayer d’mette le monde heureux. C’est euh, c’est ma vie ça… je me garâcherais à la mer si j’pouvais vous faire assez, vous faire rire. Ouais, ouais. Pis j’sais pas, j’sais pas m’-nager »

Émile Benoit – en entrevue avec Gerald Thomas en 1985

Émile Benoit et Le Gaboteur, en musique et en théâtre

La gigue « Le papier Gaboteur » compte parmi les 200 compositions pour violon laissées en héritage par Émile Benoit. En 2014, des musiciens de renom ont interprété cette pièce lors du Festival folk de Terre-Neuve-et-Labrador, lançant ainsi de belle manière les célébrations du 30e anniversaire du journal. 

Crédit : Jacinthe Tremblay

Étaient réunis sur scène pour l’occasion les membres du groupe The Benoits/Les Benoit (Doug, Devon et Cal McNiven), de la côte Ouest de Terre-Neuve; Emilia Bartellas, du groupe The Dardanelles, de St. John’s; André Brunet, du trio québécois De Temps Antan; les violonistes Tatsu Oki et Charlotte-Anne Malichewski et le guitariste Duane Andrews, de St. John’s. 

Leur prestation est disponible sur Vimeo sous le nom Session «Le papier Gaboteur», d’Émile Benoit

Les liens entre Émile Benoit et Le Gaboteur sont aussi présents dans la pièce Emile’s Dream, de l’auteur dramatique et directeur artistique de la compagnie théâtrale Artistic Fraud of Newfoundland.  Dans cette pièce où trois comédiens-musiciens incarnent le Franco-Terre-neuvien à différents moments de sa vie et de sa carrière, ce dernier dit à son épouse Rita, en parlant du Gaboteur : « J’va être dans ce journal-là. Peut-être que j’gagnerai pas des concours à Stephenville. J’pourrais arriver deuxième mais j’va être dans ce journal-là, pis plus. De ça, ma chère, chu certain. » 

Cette prédiction s’est réalisée, de multiples manières. En plus de consacrer plusieurs articles à sa carrière,  Le Gaboteur a fait d’une illustration d’Émile Benoit son logo de 1993 à 2003.  

Broder avant et après Utrecht – et Émile Benoit. 

En 2013, des brodeuses de la Société historique du French Shore, à Conche, ont enfilé leurs aiguilles pour créer huit panneaux d’une exposition consacrée à l’histoire des Acadiens et de la présence française à Terre-Neuve et au Labrador, avant et après le Traité d’Utrecht.

Design : Cynthia Colosimo Robbins, de Forteau. Réalisation : les brodeuses de la Société historique du French Shore. 

Émile Benoit et son violon, sa version de la chanson française traditionnelle «Vive la rose», le drapeau des francophones de Terre-Neuve-et-Labrador et des danseurs y représentent la péninsule de Port-au-Port.

La Société historique du French Shore est également à l’origine de l’époustouflante « Tapisserie du French Shore », longue de 72 mètres, exposée encore aujourd’hui dans ses locaux de Conche, une localité de la péninsule Nord de Terre-Neuve. 


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