le Mardi 9 septembre 2025
le Jeudi 4 septembre 2025 11:00 Musique

Saison test pour le nouveau directeur musical du NSO

Simon Rivard en plein action avec l’Orchestre classique de Montréal. — Brent Calis (Courtoisie)
Simon Rivard en plein action avec l’Orchestre classique de Montréal.
Brent Calis (Courtoisie)
Après un processus de sélection rigoureux mené sur dix-huit mois, c’est finalement le chef montréalais Simon Rivard qui reprend les rênes de l’Orchestre symphonique de Terre-Neuve, le Newfoundland Symphony Orchestra (NSO). Le nouveau directeur musical, qui dirige également l’Edmonton Opera, partage avec nous sa vision artistique et ses ambitions pour la saison 2025-2026, qui débutera fin septembre.
Saison test pour le nouveau directeur musical du NSO
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Coline Tisserand (CT) – Félicitations pour votre nomination, fruit d’un long processus de sélection! Comment avez-vous reçu cette nouvelle?

Simon Rivard (SR) – C’est souvent un long processus, puisque le directeur musical d’un orchestre est là pendant plusieurs années, comme Marc David, qui a dirigé le NSO pendant 33 ans! Le comité de sélection veut être sûr de faire le bon choix. C’était une procédure vraiment intéressante, car chaque candidat a eu la chance de diriger l’orchestre deux fois avant le choix final. Le comité a notamment sondé les musiciens, le Conseil d’administration et le public, donc c’était une démarche vraiment holistique.  

Pour moi, c’est rassurant que le comité ait fait ce recrutement de façon aussi transparente et complète, parce que je sais que ce n’est pas une petite décision prise à la légère par le NSO. Cela signifie que la vision pour l’orchestre que j’ai proposée à travers les entrevues sied au comité. Je suis évidemment très heureux de cette nomination, parce que c’est un orchestre qui a une identité très forte, qui est très important pour la région et qui a aussi une volonté de se développer. En effet, les idées que j’apporte rencontrent énormément d’enthousiasme et de volonté pour que cela fonctionne.

CT – Pouvez-vous nous en dire davantage sur la vision que vous avez pour les prochaines années du NSO?

SR – C’est sûr que, quand Marc David est arrivé à Terre-Neuve-et-Labrador, l’orchestre était à toutes fins pratiques, un orchestre d’amateurs et communautaire avec des musiciens non rémunérés. À travers ses années, Marc David a tranquillement mis en œuvre une professionnalisation de l’orchestre. Cela a commencé avec quelques musiciens professionnels, mais maintenant l’orchestre est entièrement composé de professionnels.

Je pense qu’il y a certaines façons de faire à modifier, qui datent de l’époque où l’orchestre était plutôt communautaire. Par exemple, il y a plus de répétitions que dans beaucoup d’autres orchestres, ce qui fait qu’on paie beaucoup plus de services, deux semaines de services pour un concert. Si on réduit le nombre de répétitions, comme le font la plupart des orchestres professionnels, on peut faire plus de concerts et donc couvrir plus de répertoires, desservir plus de gens avec nos concerts, que ce soient des concerts éducatifs, ou par exemple des projections de films accompagnés en direct par l’orchestre sur scène.

En revisitant notre structure et en prenant acte qu’on est un orchestre professionnel, on peut apporter à la province des pratiques assez courantes dans le milieu de la musique classique au niveau international. Par exemple, les projections de films accompagnés par un orchestre en direct sont une offre musicale assez populaire ailleurs dans les grandes villes du Canada. Ces ciné-concerts peuvent être des films pour le temps des fêtes, comme Home Alone/ Maman, j’ai raté l’avion , Le Pôle Express/Boréal Express ou des films populaires comme Star Wars. Ce sont souvent des partitions qui sont très difficiles mais la réponse du public est d’habitude assez forte qui apprécie ces types de concerts. C’est donc tout un domaine à explorer pour le NSO.

CT – Y-a-t -il d’autres nouveautés que vous comptez explorer avec l’Orchestre symphonique?

SR – Oui, au niveau de la programmation, mais aussi au niveau structurel. Par exemple, j’aimerais qu’on commence à avoir une présence plus accrue sur le territoire de Terre-Neuve-et-Labrador, et pas seulement sur la péninsule d’Avalon. Qu’on puisse aller dans différentes parties de la province, comme dans la région Centre et au Labrador avec une série de concerts ou une sorte de tournée. L’idée est que le NSO puisse être vraiment l’orchestre de tout le monde [dans la province].

Une idée serait également de réunir les provinces de l’Atlantique en un grand orchestre une fois toutes les quelques années. Les différents orchestres de ces provinces sont parfois limités par le nombre de musiciens qui les composent, donc on pourrait se réunir en un grand orchestre de l’Atlantique pour présenter des œuvres qui demandent une plus grande quantité de musiciens.

Une autre partie de ma vision est d’exposer l’orchestre à un plus grand nombre de chefs invités. Lors du processus de sélection, les musiciens du NSO ont découvert quatre jeunes chefs différents qui les ont dirigés, et ont exprimé leur enthousiasme face à cette variété. Je vais donc continuer à inviter différents chefs d’orchestre au cours des futures saisons. Mon équilibre idéal serait un ratio de 60-40%: 60% des concerts dirigés par moi-même et 40% par des chefs invités. Cela permet au public de rencontrer de nouvelles personnes, des chefs toujours triés sur le volet bien sûr, et qui fonctionnent bien avec l’orchestre. Ces invités seront des artistes qui ont une spécialité musicale particulière ou qui sont des jeunes stars, mais ce ne sera jamais du remplissage!

Enfin, j’aimerais ramener plus d’opéra dans la province. Je sais qu’il existe la compagnie Opera on the Avalon, mais pour l’instant, la scène de l’opéra semble être un peu moins dynamique que par le passé, principalement à cause de la pandémie. En regardant vers le futur, je pense qu’on a vraiment besoin de cette offre-là pour que le souvenir de l’opéra ne meure pas à Terre-Neuve-et-Labrador, mais qu’il reste bien vivant, que ce soit à travers des œuvres connues comme La bohème de Giacomo Puccini, La traviata de Giuseppe Verdi, Le Boléro de Maurice Ravel, mais aussi de nouvelles œuvres.

CT – Quels sont les défis que vous entrevoyez avec cette nouvelle nomination?

SR – Le défi va être de s’assurer que les changements soient incrémentaux et progressifs afin de garder la spécificité de l’orchestre et de respecter la façon organique dont il s’est développé dans les dernières années. La gestion du changement, de la transformation, c’est toujours compliqué, il faut juste le faire tranquillement, d’une façon qui soit respectueuse de tout le monde. C’est important pour moi d’être conscient que les choix passés et les façons de faire ont une raison et une histoire. Il faut aussi l’honorer dans notre façon de gérer le changement et y aller avec une transition douce!

CT – Vous avez souligné plus tôt que le NSO avait une identité assez unique, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

SR – Avec l’exception de Calgary, Ottawa et Vancouver, j’ai dirigé tous les grands orchestres au Canada, donc j’ai quand même une assez bonne idée du paysage musical classique canadien actuel. Dans les grands centres comme Montréal ou Toronto, il y a beaucoup de rotation au niveau des musiciens qui circulent dans différents orchestres des grands centres, comme substituts et extras. Alors qu’à Terre-Neuve, comme c’est une île, les personnes qui jouent dans l’orchestre sont quasiment les mêmes d’un concert à l’autre. Elles ont donc un sentiment d’appartenance très très fort par rapport à leur orchestre. La deuxième chose que j’ai remarqué, c’est qu’il y a beaucoup de musiciens du NSO qui ont une expérience connexe en musique traditionnelle ou en musique folk. Ils jouent tous dans un, deux ou trois groupes de musique folklorique, ou enseignent [en musique] le soir, ou la fin de semaine. Ce sont des personnes vraiment impliquées dans leur milieu musical!

CT – La chimie a donc bien pris entre le NSO et son nouveau directeur musical?

SR – Oui, absolument, vraiment très bien! À chaque fois que je viens à Terre-Neuve, je découvre de nouvelles histoires et de nouveaux talents cachés parmi les membres de l’orchestre. Par exemple, j’ai appris que notre percussionniste était un virtuose du bodhrán (percussion irlandaise)! Je découvre ce genre d’anecdotes au fur et mesure des répétitions. J’ai aussi une très belle chimie avec le directeur exécutif du NSO, Hugh Donnan, qui est vraiment très motivé à réaliser les éléments de ma vision. Alors je suis vraiment très heureux, très choyé!

CT – La saison 2025-2026 s’annonce donc prometteuse! De quoi vous réjouissez-vous le plus pour votre première saison?

S.R – C’est principalement de voir la réaction du public à notre nouvelle programmation, puisque je programme d’une façon un peu différente de mon prédécesseur. Il y aura beaucoup plus d’œuvres de compositrices féminines et d’œuvres d’artistes qui viennent d’ailleurs. Par exemple, le chef Daniel Bartholomew-Poyser va diriger la première de la symphonie Gaelic d’Amy Beach, une compositrice américaine. La pièce a une centaine d’années maintenant, c’est vraiment une œuvre majeure que j’ai hâte de présenter au public. J’ai également hâte de voir la réaction du public à tous les chefs invités. Ce sont tous des artistes que je connais très bien et je me réjouis aussi de les présenter à l’orchestre. Cette saison est vraiment comme une saison test pour moi.

CT – On pourra vous voir notamment diriger «la Création» de Haydn le 20 mars 2026. Pourquoi ce choix?

SR – C’est un choix de Marc David, c’est une saison un peu particulière puisque la direction musicale change de main. Il a programmé environ la moitié des concerts et moi la deuxième moitié. «La Création» est un oratorio de Joseph Haydn, un compositeur allemand du 18e siècle, mort durant la première moitié du 19e siècle. L’œuvre est basée sur le livre de la Genèse et parle de création du monde. C’est une pièce pour orchestre, chœur et solistes. Cela me donne l’opportunité d’inviter trois chanteurs, trois solistes [la soprano Anna-Sophie Neher, le ténor Frédéric Antoun, et le baryton Jesse Blumberg] que j’aime vraiment beaucoup pour les présenter au public de Terre-Neuve-et-Labrador. Je n’ai encore jamais fait cette œuvre, une pièce majeure du répertoire choral, au même titre que le Messie de Händel. C’est vraiment un grand oratorio et comme je veux ramener l’opéra dans la province, commencer par un oratorio est un bon début pour voir ce qui va être possible de faire ensuite.

Le programme complet du NSO pour la saison 2025-2026 est disponible sur: https://nsomusic.ca/concerts-events/.