David Beauchamp
IJL – Réseau.Presse – Le Gaboteur
Originaire de Come By Chance, Jasmine Paul est pêcheuse et représente la cinquième génération de pêcheurs dans sa famille. Elle est venue à l’événement avec différents outils qu’elle utilise dans son travail au quotidien pour démentir un mythe: ce n’est pas parce qu’elle est une femme qu’elle ne sait pas comment les utiliser. En d’autres mots, la pêche n’est pas un milieu fait exclusivement pour les hommes.
L’industrie de la pêche de Terre-Neuve-et-Labrador étant un milieu présentement dominé par les hommes, il semblait donc important pour les conférencières de faire le point sur la place et le statut des femmes dans cette industrie.
La pêche, pas seulement pour les hommes
Pour Kimberly Orren, ce sont les traditions transmises de générations en générations par son arrière-arrière-grand-mère Cherokee qui ont formé son attitude positive envers la pêche. Elle explique que son grand-père lui a toujours raconté des histoires de pêche de sa jeunesse passée dans l’État d’Oklahoma avec sa grand-mère. Elle ajoute aussi que son premier poisson attrapé avec lui a été un événement transformateur: «Ça a changé ma vie, et si on veut que la société développe un rapport positif à la pêche, on doit les emmener pêcher dès qu’ils, et surtout elles, ont l’âge de le faire».
Alors qu’elle mentionne qu’il est important que les femmes pêchent, Orren souligne du même coup que la pêche est aux prises avec des inégalités de genres. «Il y a encore du sexisme dans le milieu de la pêche», explique-t-elle. «Le terme jinker est encore utilisé pour désigner les femmes comme porteuses de malheur sur un bateau. C’est en lien avec le vieux stéréotype voulant que les femmes sont seulement bonnes à rester sur la terre ferme et faire le travail le plus ingrat pendant que les hommes pêchent, ont du plaisir en mer et reçoivent tout le mérite», ajoute Kimberly Orren.
Selon elle, ce sexisme crée un manque criant de femmes comme cheffes d’entreprises dans les pêcheries. «Lorsque les industries avaient besoin de femmes, elles ont initié des programmes spéciaux s’adressant à elles et cela a aidé à améliorer l’accès à des emplois autrefois entièrement masculins. Mais dans le milieu de la pêche, il y a seulement 20% de femmes qui pêchent en eau douce encore aujourd’hui. De plus, seulement 2% des pêcheries sont détenues par des femmes, c’est ridicule!», s’exclame Orren, elle-même fondatrice des organismes de pêche Fishing for Success et Girls Who Fish.
Le poisson, trait d’union
Pour Melissa Samms, pêcher est une activité qui doit rapprocher les gens plus que les diviser. «Depuis que Terre-Neuve a rejoint la Confédération, il y a eu beaucoup de ségrégation entre hommes et femmes à cause des mesures de centralisation et de bureaucratisation de l’ère Smallwood. Avant ça, les rôles genrés n’existaient pas: nous étions tous pauvres, donc toutes les femmes pêchaient aussi», raconte-t-iel en interview après sa présentation.
Iel explique aussi que la pêche est une partie importante de l’histoire collective de la vallée du Codroy puisqu’elle a mené à la colonisation et au métissage dans la région. «Les descendants de ce territoire sont unis par ce passé commun, et cette racine doit se traduire en la conjugaison de nos efforts pour la réalisation d’un but partagé, soit d’améliorer la situation des pêcheries ici», plaide Samms.
Cette aspiration à la lutte collective est d’ailleurs une des raisons qui expliquent sa candidature aux élections de 2021 sous la bannière du Nouveau parti démocratique de Terre-Neuve-et-Labrador. Iel explique que les valeurs de ce parti politique en matière de justice sociale pour les pêcheurs et de sensibilité environnementale cadrent avec ses priorités. «Mes intérêts sont davantage représentés par ce parti et je m’aligne davantage avec les intérêts de la province que ceux du pays. […] Le homard est vendu ici moins cher que partout ailleurs même s’il est de bonne qualité. Les gens méritent une bonne vie et des salaires décents».
Iel termine avec un appel à l’action: «Terre-Neuve a été trop longtemps la vache à lait du Canada. Si tous les gens qui sont partis étudier ou travailler hors de la province revenaient s’installer ici, l’île coulerait. Nous avons un grand poids collectivement.»
Kimberly Orren n’est pas la seule à penser que le développement d’une attitude positive envers la pêche commence dès l’enfance. Voici deux familles francophones de Terre-Neuve et du Labrador qui prouvent son propos.
Cet article fait partie de notre dossier:
L’industrie de la pêche, réimaginée
Le 10 mai dernier, la Social Justice Co-op NL a invité le public au St. John’s Farmers’ Market dans le cadre de sa série de discussions intitulée Socials 4 Justice («Socialiser pour la justice sociale»). Cette rencontre abordait les manières potentielles de transformer les pêcheries en un milieu juste et équitable tout en limitant l’impact néfaste de la pêche commerciale sur l’industrie à Terre-Neuve-et-Labrador, province toujours orientée vers la mer.
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