le Vendredi 31 octobre 2025
le Mardi 28 octobre 2025 12:03 Politique

Nouveau gouvernement, nouvel engagement?

S’il fait déjà trois ans de lutte pour l’incorporation de Trois-Cailloux et La Grand’Terre, Taunya Murchison, Sherisse Benoit et Sheila Hinks maintiennent qu’il n’y a aucune indication que l'intérêt public pour l’incorporation ait diminuée. — Cody Broderick (Archives Le Gaboteur)
S’il fait déjà trois ans de lutte pour l’incorporation de Trois-Cailloux et La Grand’Terre, Taunya Murchison, Sherisse Benoit et Sheila Hinks maintiennent qu’il n’y a aucune indication que l'intérêt public pour l’incorporation ait diminuée.
Cody Broderick (Archives Le Gaboteur)

Deux communautés francophones sur la péninsule de Port-au-Port espèrent se réunir comme municipalité officielle. Pourrait un changement de gouvernement provincial accélère le processus d’incorporation de La Grand’Terre et Trois-Cailloux?

Nouveau gouvernement, nouvel engagement?
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Depuis le lancement d’une étude de faisabilité financée par le gouvernement provincial en 2022, les localités de La Grand’Terre et Trois-Cailloux attendent les prochaines étapes pour s’incorporer en tant que municipalité officielle. L’étude s’est conclue en mars 2024, mais la chronologie pour l’incorporation reste statique, selon des représentantes locales.

«C’était un long processus pour nous», dit Taunya Murchison, greffière du district de service local de La Grand’Terre. «On n’a pas anticipé que ça va prendre si longtemps pour l’approbation. C’était soumis en 2022, notre demande initiale […] alors on a passé officiellement plus de trois ans dans ce processus.»

La progression lente de ce projet frustre plusieurs dans cette localité d’environ 280 résidents. «On a été en contact constant avec les Affaires municipales, avec le gouvernement, essayant de procéder», explique Sherisse Benoit, l’ancienne chaire et trésorière actuelle du comité de La Grand’Terre. «Et j’ai l’impression qu’on n’en va nulle part avec eux.»

«On a beaucoup de patrimoine ici»

Actuellement, ces deux communautés enracinées dans l’histoire francophone de la province sont désignées comme districts de services locaux, titre qui se permet l’administration par un petit groupe de représentants élus locaux. Ce comité s’occupe de quelques services publics, mais moins de ce qui est proposé par une communauté désignée officiellement comme municipalité.

«En tant que districts de services locaux, on collectionne des fonds pour les ordures, les feux, l’eau, et c’est tout», explique Taunya Murchison. «On n’a pas de budget à dépenser ou à redonner à ces organismes et groupes qui ont des événements ou initiatives en place.»

Sherisse Benoit note par exemple que La Grand’Terre dépend actuellement des services pompiers de la ville de Lourdes et a besoin des lampadaires des rues. Madame Murchison a également souligné la nécessité des services pour la collecte des ordures, parce que la communauté dépend actuellement d’un service privé à Stephenville.

 En tant que municipalité incorporée, on pourrait mieux financer la recréation et la culture, dont la francophonie locale, à  travers des subventions. Madame Murchison suggère que les fonds pourraient aider, par exemple, les élèves francophones ou les marches de la Saint-Jean-Baptiste. «On a une culture distincte ici», affirme Sheila Hinks, l’actuelle chaire du comité du district. «On est Première Nation, on est Français. On a beaucoup de patrimoine ici.»

Pour madame Benoit, le financement peut se traduire en possibilités d’encourager plus de monde à vivre à La Grand’Terre. «On pourrait offrir beaucoup de choses, pas juste les services de base, mais beaucoup de choses qui rendraient les personnes plus contentes, pour dire que c’est une ville formidable.»

«On est si fiers qu’on est francophones et on aimerait que les personnes le voient et se disent “Voici des communautés francophones et ils prospèrent.”»

Poids politiques

L’accès à l’eau propre était une autre inspiration significative pour l’incorporation. En absence d’un réseau d’eau municipal, les résidents dépendent des puits qui sèchent souvent. Il y a trois ans, les travaux effectués dans le cadre de l’analyse environnementale du mégaprojet Nujio’qonik de World Energy GH2 a aussi compromis la qualité d’une seconde source d’eau potable, qui vient du ruisseau LeCointre. 

La qualité de l’eau potable est l’une des raisons qui expliquent certaines des réactions négatives de la population à l’encontre du projet proposé, qui vise à ériger 164 éoliennes sur la péninsule.

Si les districts de service locaux se réunissent en municipalité, la Ville aurait davantage voix sur le plan politique. «En tant que district de services locaux, on est normalement ignoré [et] on n’est pas inclus dans les consultations initiales ou ne [fait] pas partie d’aucune planification», explique madame Murchison.

Selon elle, si l’incorporation arrive, les compagnies d’éoliennes seraient obligées de les inclure dans les discussions. «Il faudrait qu’elles interagissent avec nous et nous rencontrent avant n’importe quoi», dit-elle avant d’ajouter que la Ville «aurait accès à plus d’informations.»

Changement d’administration, changement de vitesse?

La Grand’Terre et Trois-Cailloux se trouvent dans la circonscription provinciale de Stephenville – Port au Port et sont représentés dans la Chambre d’assemblée par Tony Wakeham, chef du Parti progressiste-conservateur et le nouveau premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador. 

Avec des projets énergétiques dans le viseur du Parti conservateur, ce dernier s’est engagé pendant sa campagne à trouver un équilibre entre le développement des énergies renouvelables, comme l’énergie éolienne de World Energy GH2, et le soutien aux énergies fossiles traditionnelles, comme le projet de pétrole extracôtier Bay du Nord. Selon Radio-Canada et NTV, l’incorporation de La Grand’Terre et Trois-Cailloux est également sur son radar.

«Il l’a abordé dans la Chambre […], l’incorporation, et comment c’était plus ou moins stagnant depuis qu’on avait soumis toute notre documentation et qu’on avait fourni plusieurs informations», ajoute Taunya Murchison. 

Un nouveau gouvernement sera formé dans les prochaines semaines. À la date de rédaction de cet article, aucune date n’avait encore été fixée pour la prestation de serment du nouveau Premier ministre et des ministres.

Les représentantes ont «beaucoup de plans, et c’est ça l’affaire», explique Sheila Hinks. «On est anxieux et on espère que Tony peut le mettre de l’avant et le résoudre pour qu’on puisse continuer avec ce qu’on aimerait faire ici dans nos communautés et aller au-delà […] parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de choses qu’on peut faire pour une communauté si on a le financement approprié.»