TÉMOIGNAGE
Alors que Le Gaboteur suivait l’évolution de la situation depuis la capitale, à plus de 900 kilomètres de distance, René Roy, éditeur en chef de Wreckhouse Press et résident de Port aux Basques, a vécu la catastrophe naturelle de près. Quelques jours après le déluge, il a accepté de nous raconter cette tempête du siècle.
Traduit de l’anglais par Le Gaboteur
En anglais, on dit que «pendant une tempête, n’importe quel port fait l’affaire» («Any port in a storm»)… Mais la semaine dernière [la semaine du 22 novembre], le dernier endroit où vous vouliez être, c’était à Port aux Basques.
Une tempête comme on en voit qu’une fois tous les cent ans a déferlé sur ma ville natale, décimant complètement les routes et soumettant notre système d’égouts à une pression comme je n’en ai jamais vu.
Le vent en lui-même n’était rien de nouveau; nous y sommes habitués dans notre petit coin de l’île. Je vis dans une maison à deux étages avec ma famille, et nos chambres sont à l’étage. Il n’est pas rare que le vent nous empêche de dormir la nuit, faisant grincer et parfois même osciller la maison. Nous avons eu des vents atteignant les 130 km/h dans ma rue en cul-de-sac, donc les 110 km/h que nous avons eus au cours de la nuit de la tempête étaient plutôt raisonnables.
Ce qui a rendu la tempête si sévère, si inquiétante, c’est l’eau.
Ici, il est tombé environ 180 mm d’eau en une nuit. Pour vous donner une idée, c’est l’équivalent de deux mois de pluie en été pour nous.
L’eau n’avait tout simplement aucun endroit où aller. J’ai vu des grilles d’égouts déborder et, à un moment donné, j’en ai vu une qui semblait sur le point de s’envoler sous la pression.
En tant que rédacteur en chef de mes propres publications et en tant que pompier volontaire de ma ville, je me suis senti obligé d’explorer Port aux Basques de la manière la plus sûre possible, afin de m’assurer que rien de terrible ne s’y produisait.
En me faufilant dans la ville, pendant la nuit et le lendemain matin de la tempête, j’ai assisté à des scènes incroyables témoignant de la puissance de l’eau.
Les vagues autour de la ville étaient hautes comme je ne les avais jamais vues, certaines brisant la crête de l’île où se trouve le phare (Channel Head Lighthouse), qui se situe à environ 60 pieds de haut. Les routes étaient pour la plupart sans obstruction, à l’exception d’une section de notre municipalité qui était complètement sous l’eau.
En fait, sur le tronçon de la route emportée par les eaux ici en ville, un homme âgé était bloqué dans sa voiture après avoir tenté de traverser. J’ai pataugé jusqu’à lui et l’ai raccompagné en sécurité, laissant derrière lui sa voiture à son propre sort. (Celle-ci a ensuite été récupérée sans encombre).
Les dégâts les plus importants ont toutefois été causés sur la route Transcanadienne. L’eau a complètement démoli les ponceaux qui passent sous nos routes, créant des affaissements complets et totaux. La tempête a créé des trous infranchissables dans l’autoroute à quatre endroits différents, dont certains avaient une largeur de 150 pieds.
Ici, chez moi, nous avons eu nos propres problèmes. Le vent et la pluie combinés ont provoqué une fuite dans notre salle de presse, directement sur ma très chère presse. Après bien des efforts, j’ai pu couvrir la presse. Une semaine plus tard, les réparations sont toujours en cours, mais nous avons finalement réussi à arrêter la fuite.
Au moment où j’écris ces lignes, l’autoroute a été réouverte,, grâce au travail acharné des équipes dépêchées par la province pour réparer les tronçons endommagés .
Nous avons été complètement coupés du reste de l’île pendant une semaine, ce qui signifie que nous n’avions pas d’épicerie, pas de courrier, pas de moyen de nous rendre à nos rendez-vous médicaux, pas de moyen de rentrer chez nous.
Les vols en hélicoptère et les fournitures d’urgence ont été notre source de vie pendant toute la semaine.
Je me sens vraiment chanceux qu’il n’y ait pas eu de blessés en ville. C’était une tempête qui n’arrive qu’une fois dans une vie, et pour ma part, je ne souhaite pas être dans le coin quand la prochaine arrivera.
René Roy
Rédacteur en chef de Wreckhouse Press (regroupant deux journaux hebdomadaires The Wreckhouse Weekly et The Appalachian)
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