Magazine d’été 2022
Restauration
Destins croisés de Bridget et Jean-Charles
Un texte de Cody Broderick
En août 2020, le folkloriste et directeur de la fondation Heritage NL Dale Jarvis et l’étudiante en folklore à l’Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador Katie Crane animaient dans cette péninsule du versant nord de la baie Conception un atelier sur la restauration de cimetières. Pendant leur exploration des lieux, une pierre tombale en partie cachée par un buisson attire leur attention.
Son dépoussiérage révèle que cette pierre honore la mémoire d’une jeune femme décédée à l’âge de 22 ans, Bridget Delaney. Après avoir soigneusement déterré la pierre, Katie Crane découvre que l’inscription débute en anglais mais se termine en français. Et pour couronner le tout, elle apprend qu’elle a été offerte à la défunte par un Français du nom de J.C. Toussaint « dans l’estime de ses bonnes qualités ».
Qui était cette Bridget Delaney ? Comment est-elle morte ? Et qu’en est-il de M. J.C. Toussaint ? Qui était-il et pourquoi a-t-il fait un tel don ? Katie Crane plonge dans les archives numériques de l’université pour élucider ces mystères.
Ses recherches lui en apprennent beaucoup sur monsieur Toussaint, Jean-Charles de son prénom. Dans un article du Evening Telegram daté du 7 février 1920 décrivant l’histoire de la présence française sur l’île, monsieur Toussaint est mentionné non seulement comme ayant été le propriétaire de l’Hôtel de Paris à St. John’s, mais aussi comme ancien consul de France pour le Dominion de Terre-Neuve. Il fut également propriétaire d’un saloon et d’une boulangerie à Harbour Grace. L’auteur de l’article, Tom Shannahan, souligne qu’il était « un grand fan de sport » et qu’il était vu régulièrement lors des régates de Harbour Grace et du Lac Quidi Vidi. Né en 1808 à Paris, il est décédé dans la capitale de la province en 1887.
Katie Crane est malheureusement restée bredouille dans son enquête sur la vie et de la mort de Bridget Delaney. Elle émet par contre l’hypothèse que cette jeune femme mystérieuse devait être une grande personnalité de la région. « Il doit y avoir une raison pour laquelle cette jeune fille de 22 ans de Port de Grave a reçu cette pierre massive donnée par le Consul français de Terre-Neuve. Elle devait donc être une actrice, une chanteuse, ou elle travaillait à l’hôtel, ou il devait y avoir quelque chose, mais il n’y avait aucune trace d’elle, ce qui est assez triste », se désole l’étudiante en folklore.
Le village de Port-de-Grave, situé dans le versant nord de la baie de Conception, doit son toponyme aux « graves », nom donné par les pêcheurs français aux plages de galets utilisées pour faire sécher la morue, dès le 16e siècle. De nos jours, il est célèbre pour l’illumination des bâteaux de pêche pendant la période des Fêtes. Crédit : Marilynn Guay Racicot (Archives du Gaboteur).
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