Liz Fagan
IJL – Réseau.Presse – Le Gaboteur
Selon un sondage du ministère du tourisme, en 2016, la province a accueilli environ 18 750 touristes québécois, soit 5% des visiteurs pour cette année-là. Ce nombre a considérablement augmenté pendant l’année Come Home Year de la province. Dans les parcs nationaux à Terre-Neuve-et-Labrador, le nombre de réservations effectuées en français a déjà plus que doublé à la fin du mois d’avril dernier par rapport aux réservations effectuées en 2016. De surcroît, le dernier recensement rapporte 2 345 personnes pour qui le français est une langue maternelle.
Avec de plus en plus de francophones qui visitent ou qui jettent l’ancre dans la province, de plus en plus d’entre eux signalent des erreurs, parfois mineures, parfois flagrantes, dans la traduction de certaines informations.
Cela dit, l’effet de vague souligne une opportunité d’amélioration. Certains ont déjà pris l’initiative.
«Les bagages réclament»
Une histoire particulièrement connue parmi les francophones de la province est celle de l’erreur trouvée sur un panneau de signalisation à l’aéroport provincial de Deer Lake. Pendant longtemps, ce panneau portait la phrase «Les bagages Réclament» au lieu de «Réclamation de Bagages».
Après avoir reçu des commentaires de personnes d’expression française rassemblés et transmis par la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador, l’administration aéroportuaire a corrigé cette erreur.
Bien que l’aéroport de Deer Lake soit provincial et donc non sujette aux lois linguistiques du Canada, il a répondu favorablement à l’appel pour corriger le panneau. «Parce que c’est important,» affirme l’assistante du PDG de l’aéroport.
«Nous prenons en considération toutes les préoccupations que nous recevons. Tout ce que nous pouvons faire pour aider,» ajoute-elle.
Du côté fédéral, un francophone ayant grandi à Labrador City, Michel Thibodeau, a porté plainte auprès du commissaire des langues officielles au début de 2018 après avoir remarqué un manque d’informations en français sur le site web de l’aéroport international de St. John’s.
L’aéroport a été jugé responsable de ce manque après une décision prise par la Cour suprême en avril dernier. La Cour suprême oblige l’aéroport à traduire les informations de son site web en français, ainsi que ses rapports, ses slogans et les messages sur ses réseaux sociaux. Le juge Sébastien Grammond a également condamné l’aéroport à payer des amendes, dont 5000$ de dommages et intérêts et 6000$ de frais supplémentaires.
Quatre ans après la plainte, ce fut une victoire pour les militants francophones.
Un double sentiment
Comme toute action humaine est sujette à l’erreur, il est impossible de s’attendre à la perfection. Cela dit, ces erreurs provoquent parfois un sentiment contrarié.
«D’un côté, je leur suis reconnaissant d’avoir fait un effort,» dit Navel Sarr, fondateur du St. John’s African Roots Festival et adepte du voyage à la Côte Ouest pour son travail. «Mais d’un autre côté, je me demande pourquoi ils n’ont pas consulté un francophone,» s’interroge-t-il.
Quant à l’expression française, il est compliqué de savoir comment trouver le juste équilibre entre les suggestions d’amélioration et les critiques.
«Pour ma part, c’est déjà bien de faire l’effort de mettre les deux langues officielles. Si on critique trop parce que ce n’est pas correct, on risque de se retrouver tout en une seule langue: l’anglais,» signale Kenny Grady, coordinatrice du Coin Franco à Corner Brook. Elle ajoute en riant que la plupart des erreurs la font simplement rire.
Naviguer avec le vent dans ses voiles
On dit que lorsque vous vivez une situation tous les jours, au bout d’un moment, on ne la remarque plus. Afin d’évaluer une situation et de voir ce qui est nécessaire, un regard neuf est parfois nécessaire. Comme la province de Terre-Neuve-et-Labrador accueille des touristes d’expression française chaque année, qui de mieux pour évaluer les besoins des francophones?
Guide-accompagnateur avec l’entreprise québécoise Voyages Daniel depuis 6 ans, Jacques Montpetit est fier de ses expériences dans la province.
Monsieur Montpetit parle avec enthousiasme de ses visites guidées à Rose-Blanche, Gros Morne, Bonavista parmi d’autres régions à Terre-Neuve. «C’est sûr que les gens auraient aimé rester plus longtemps,» dit-il.
Vu la présence actuelle des résidents francophones à Terre-Neuve et au Labrador et la possibilité d’attirer plus de touristes d’expression française, le guide-accompagnateur aimerait que toute information soit accessible en français. «Une façon de séduire un visiteur francophone, c’est minimalement en l’informant proprement dans sa langue, c’est une question de respect,» ajoute-t-il.
La cause de la signalisation adéquate est importante pour monsieur Monpetit, non seulement comme guide-accompagnateur, mais aussi comme fier francophone. «J’ai grandi dans l’expression du savoir-faire québécois. Je reste un ardent défenseur de la langue française,» déclare-t-il, «je participe donc entièrement à la francisation de Terre-Neuve.»
«Je comprends qu’on n’est pas beaucoup au pays, mais ceux qui sont francophones, sont fiers de l’être. On est toujours debout malgré les pressions.»
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Comment trouver votre chemin, en français
Terre-Neuve-et-Labrador est la province la plus anglophone de tout le Canada. Si certains anglophones du continent ont besoin d’aide pour naviguer à travers les nombreux dialectes particuliers que l’on trouve dans la province, pour ceux dont la langue maternelle est le français – qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs – le défi peut être encore plus grand. Heureusement, des efforts sont en cours pour que vous puissiez naviguer ici dans chacune des langues officielles du Canada.
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Comment faire face à ces inquiétudes?
Où en sommes-nous avec l’application des lois linguistiques à Terre-Neuve-et-Labrador? L’obligation est différente selon le contexte. Dépendant de la source, il y a différentes lois. Si on parle d’une société d’État ou d’une agence fédérale, les deux sont assujetties à la Loi sur les langues officielles. Autrement, la loi ne s’applique pas.
De nos archives: En croisade pour faire respecter ses droits
Fervent adepte de la langue française, Michel Thibodeau a passé une partie de son enfance et de son adolescence dans la défunte ville de Gagnon dans le Nord-du-Québec et à Labrador City où il était déjà impliqué au sein de l’Association francophone du Labrador. Ce dernier est devenu par la force des choses un champion en matière de respect des droits linguistiques au pays.
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