Magazine 2022 – T: Tournages – Dans les coulisses de tournages à TNL
Marie-Michèle Genest
Alors que la plupart des équipes de tournage redoutent une météo peu clémente, celle de Justine attendait avec impatience la tempête de neige qui donnerait le coup d’envoi à la dizaine de jours de tournage prévus à l’horaire. «Une petite journée pour se réchauffer et se refroidir en même temps!», rigole Xavier Georges, qui chapeaute le projet financé par TV5 et Unis TV.
Il faut dire que la websérie fait office de première pour le réalisateur et la scénariste, malgré le fait qu’ils cumulent à eux deux plusieurs années d’expérience dans le domaine de la télévision et du cinéma. C’est d’ailleurs sur le plateau de la série policière Hudson & Rex, dans le département artistique, que les complices se sont rencontrés, il y a deux ans et demi. «Xavier est mon boss!», s’exclame en riant Nathalie Javault. Une hiérarchie qui s’est estompée dans leur projet actuel. «Nathalie et moi, on est sur un certain pied d’égalité en quelque sorte. J’apprends mon métier de producteur de [série] dramatique et Nathalie apprend son métier de scénariste», avoue celui qui avait l’habitude de se consacrer au genre documentaire avec sa compagnie Sibelles Productions! Pour Justine, le producteur a dû apprendre à jongler avec la participation d’une quarantaine de comédiens et figurants ainsi que 15 membres de l’équipe technique, tous d’expression française.
Portant pour la première fois le chapeau de scénariste, Nathalie Javault a quant à elle signé les textes des six épisodes de 15 minutes chacun. Curieuse et touche-à-tout, la diplômée en ingénierie s’est laissé tenter par l’écriture au fil des ans. «Depuis que j’ai le pied dans la série télé, j’ai envie d’explorer d’autres métiers, donc quand on m’a proposé de me former à la scénarisation, j’ai sauté dessus», relate celle qui a suivi une formation d’écriture à l’Université de Moncton pour se perfectionner. Une nouvelle corde à son arc que Xavier Georges entend bien exploiter pour ses futurs projets, bien heureux d’avoir une nouvelle scénariste reconnue sous la main.
Un projet formateur
Même si la websérie Justine s’est taillée une place dans la cour des grands, elle a été produite dans le cadre d’un programme donnant le droit à l’erreur. «Créateurs en série, c’est un programme de TV5 qui vise à former les gens, c’est un peu un programme expérimental où ils s’attendent à ce que la scénariste participe à tout pour comprendre la mécanique, l’impact de l’écriture sur le tournage et inversement», explique le producteur qui a également donné un coup de main à l’écriture du scénario.
Justine est donc le résultat d’un véritable travail collaboratif, au plus grand bonheur de la scénariste, qui préfère noircir du papier quand il y a une équipe derrière elle. Comme le scénario raconte avec humour les tribulations d’une Française qui s’installe dans la province, le fait d’aborder la fiction sous la loupe de l’histoire personnelle a grandement facilité la tâche d’écriture de la trentenaire, elle-même originaire de la France. Toutefois, la scénariste a dû apprendre à lâcher prise en délaissant certains pans autobiographiques de l’histoire pour mieux servir le scénario. «C’est assez difficile parce que c’est son bébé qu’on écrit et après ce sont les autres qui le prennent, mais ça ne me dérange pas justement parce que j’ai confiance envers l’équipe qu’on a», confie-t-elle.
Terre-Neuve-et-Labrador, nouvel eldorado du cinéma?
Aux dires de Xavier Georges, ce ne sont pas les défis qui manquent pour les producteurs de cinéma résidant sur la grosse roche, notamment en raison de sa situation géographique isolée et de sa météo parfois capricieuse: bassin d’acteurs plus petit que dans d’autres provinces canadiennes, surtout auprès des artistes francophones, salaires moins alléchants, et coûts de transport élevés pour faire venir des membres de l’équipe de tournage, entre autres. Voilà pourquoi le producteur se réjouit que Nathalie Javault ait enfin troqué sa plaque d’immatriculation québécoise pour celle de Terre-Neuve-et-Labrador.
Malgré tout, ce dernier estime que la province, dont les décors naturels époustouflants se prêtent bien à la magie du cinéma, se veut une terre d’accueil favorable pour les artisans du cinéma et les nouvelles recrues. «Nous on n’hésite pas à employer des gens qui ont moins d’expérience pour pouvoir justement les former et leur donner la chance», reconnaît-il. C’est d’ailleurs sur les plateaux de tournage que la transmission du savoir cinématographique s’effectue. «Cette année, on a eu trois séries qui roulaient en même temps, c’est du jamais vu à Terre-Neuve!», s’enthousiasme le producteur. Une conséquence directe du tournage de la série Republic of Doyle qui, selon lui, a permis de former de nouveaux artisans, apportant ainsi un nouveau souffle créatif sur l’île.
Il est aussi indéniable que les francophones de la province se distinguent par leur atouts linguistiques auprès de certaines aides en cinéma. C’est d’ailleurs le cas avec Créateurs en série, qui met l’accent sur les projets francophones en milieu minoritaire. «Ils reçoivent beaucoup de projets francophones du Québec, mais pas beaucoup hors Québec, alors quand ils en ont un ils sont contents!», révèle Nathalie Javault, lauréate du programme. Un atout indéniable pour son producteur lors des demandes de subventions.
En attendant de vivre de sa plume et de réaliser son rêve d’avoir une maison avec vue sur la mer, Nathalie Javault ne manquera assurément pas de travail sur les plateaux de télé ou de cinéma dans la province. Entre deux tournages, elle pourra se consacrer à l’écriture de ses projets avec Xavier Georges, et qui sait, vivre de nouvelles aventures terre-neuviennes qui lui inspireront une suite pour Justine!
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